FBI
ne dépassera pas les six mois ; elle va en fait durer plus de trois ans et demi.
« Soyons honnête, dit Terry Hake : je me suis lancé dans cette aventure parce que j’étais jeune, célibataire, sans famille ni traites sur ma maison. Je n’avais pas de cabinet d’avocats à bâtir. J’ai fait ce que j’estimais devoir être fait. Pourquoi personne ne s’est-il lancé dans l’aventure avant moi ? Parce qu’à Chicago, si vous voulez faire une carrière judiciaire, vous ne commencez pas par tout démolir. Vous ne dénoncez pas le système. Si vous ne l’aimez pas, vous détournez la tête et poursuivez votre chemin. En me trouvant, ils ont trouvé quelqu’un qui en avait marre de la corruption. J’étais prêt à renoncer à ma carrière pour lutter contre elle. Je pensais alors que tout le monde allait m’accueillir en héros. J’avais tort, ô combien ! »
Terry Hake rapporte aux agents du FBI ce qu’il a vu. Il leur décrit un système de corruption parfaitement huilé, le ballet des avocats et des intermédiaires corrupteurs autour des juges. Il leur raconte comment, dans certains procès en correctionnelle, les juges ripoux savent que l’accusé est prêt à payer rien qu’en lorgnant l’endroit où se tiennent certains huissiers.
« Le système reposait sur les avocats, explique l’Agent spécial William C. Megary. Il y avait plus d’avocats marrons que de juges ; autour d’eux gravitaient des clercs, des huissiers, des adjoints au shérif, des employés auprès des tribunaux. Tous servaient d’intermédiaires. On ne peut pas remettre de l’argent directement à un juge. Ça se passe dans son cabinet, ou dans des restaurants et des bars, jamais dans les salles des tribunaux. La plupart des pots-de-vin transitent par des intermédiaires. Généralement, les avocats paient des clercs, des huissiers ou d’autres avocats, et leur disent ce qu’ils veulent. Les intermédiaires remettent l’argent au juge après s’être payés au passage. »
Lamar Jordan est l’agent traitant de Terry Hake. Il lui procure un magnétophone Nagra de la taille d’un livre de poche, lui apprend à s’en servir, à le dissimuler du mieux possible, et lui confie sa mission : il est chargé de la branche 57 de la cour de justice du comté de Cook, celle qui traite des affaires de drogue sous la houlette du juge Wayne Olson, peut-être ce qui se fait de plus corrompu dans la magistrature. Chaque matin, sa salle d’audience se transforme en cour des miracles peuplée de petits trafiquants, de maquereaux, de prostituées et de petits gangsters, le tout baignant dans une odeur composée d’un cocktail particulier de sueur, de tabac et d’alcool. Ici, les flics ont l’air de brutes, leurs suspects de bêtes fauves, les avocats d’affairistes sans scrupules.
Quand Terry Hake intègre la branche 57, l’affaire « Abscam » vient tout juste d’éclater. Hake y voit comme un signe. Si le Bureau est capable de s’attaquer aux législateurs, il peut aussi s’en prendre aux juges. En lui, l’émotion le dispute à la fierté quand il prend ses fonctions d’assistant du procureur près la branche 57. Il dissimule tant bien que mal son Nagra et se tient prêt à enregistrer toutes les propositions monétaires qui ne manqueront pas de lui être faites.
À la fin de sa première journée, Terry Hake est épuisé. Il ne connaît personne. Naïvement, il s’imaginait que d’entrée de jeu le juge le convoquerait pour le mettre dans la confidence, tandis que les avocats de la défense lui bourreraient les poches de beaux billets verts. « Ça ne se passe comme ça qu’à la télévision », commente Terry Hake. Il lui faudra plus de trois mois pour approcher enfin du système de corruption.
Cette semaine-là, Terry Hake a son premier gros dossier de drogue : deux flics de la 19 e Unité tactique se présentent avec un gros trafiquant. « Je m’en occupe », dit Hake. Le dossier est parfaitement ficelé. Au dernier moment, un autre substitut au procureur entre en jeu. Hake s’aperçoit que son collègue et l’avocat de la défense, Dean Wolfson, l’empêchent de s’approcher du dossier. En quelques minutes, Hake perd une affaire qui lui semblait pourtant très solide. Il ignore que Dean Wolfson, dit « le Rêve », n’a jamais perdu une affaire devant la branche 57, et pour cause : c’est le plus grand corrupteur de la place.
Ayant remarqué que le juge Olson aime boire un verre
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