FBI
agents se portent volontaires pour ce que l’on pourrait qualifier de « grandes vacances » du FBI. Pour la première fois de l’histoire, des agents fédéraux reçoivent l’ordre de violer la loi.
« Nous avons dû louer des appartements dans toute la ville pour les domicilier, relate William Megary. Nous leur avons fourni des permis de conduire, des cartes de crédit. » Le FBI a décidé de commencer tranquillement par une conduite en état d’ivresse. Un agent clandestin boit plus que ce qui est autorisé, imbibe ses vêtements de whisky, laisse traîner une bouteille vide sur le siège de sa voiture et conduit en zigzaguant : il se fait arrêter, avant d’être renvoyé devant un tribunal du comté de Cook. L’ivrogne est représenté par Terry Hake, qui fait là ses débuts de corrupteur. L’avocat ne sait pas encore trop comment s’y prendre. Il est gêné : il connaît John Devine, le juge chargé du dossier, pour avoir siégé dans sa cour sur les bancs de l’accusation. À l’époque, Hake ne jouait pas encore les corrompus. Il va voir Devine, mais n’ose lui demander son prix. Il revient le voir une deuxième fois. À la troisième visite, le juge dit à Hake : « Il y a un type que tu dois voir, il s’appelle Harold. Va trouver Harold. » Harold Conn est huissier auprès du tribunal.
L’agent du FBI ivrogne est condamné à une peine de principe. Il doit être suivi pendant un an, mais conserve son permis et ne paie pas d’amende. Après le prononcé du jugement, Harold Conn rencontre Terry Hake au deuxième étage du Palais de Justice. Après l’avoir fait entrer dans son bureau, l’huissier lui dit : « Le juge m’a conseillé d’y aller mollo avec toi, il te connaît ; alors ce sera 150 dollars pour le juge, et pour moi ce que tu voudras. » Généreux, Hake lui laisse un pourboire de 60 dollars.
Un mois plus tard, un autre Agent spécial se fait arrêter en état d’ébriété. Il est déféré devant un autre juge. Terry Hake alerte un intermédiaire. Le juge Devine s’arrange pour occuper la place de son collègue lors de la pause-déjeuner.
Le système est au point. Il est temps de passer aux choses sérieuses.
« Greylord » recrute une première vague d’une centaine d’agents qui s’installent à Chicago afin de commettre des délits et de se faire arrêter sous de fausses identités.
« Au début, nous n’avons pas prévenu la police de ce que nous faisions, raconte William Megary. Ils couraient de très sérieux risques. Ils écumaient la ville à la recherche de voitures à voler ; d’autres agents étaient chargés de violer le code de la route afin d’être arrêtés et de voir leur véhicule fouillé par des policiers qui ne manqueraient pas d’y saisir des armes à feu… »
L’opération monte en puissance, mais se complique. Il faut loger les agents clandestins, leur fournir une « légende » qui tienne la route, doter certains de casiers judiciaires, leur procurer des voitures, voire des armes ou de la drogue. Autour des agents clandestins, il y a tout un réseau de complices, et surtout des citoyens au-dessus de tout soupçon disposés à témoigner devant les tribunaux : ce sont eux aussi des agents opérant sous couverture. Terry Hake n’arrivant plus à suivre, le FBI recrute un deuxième avocat, David Riese, également chargé de suivre les dossiers des agents clandestins arrêtés et de corrompre les juges.
Reprenant le schéma mis au point par Neil Welch à Buffalo et à Detroit, le FBI éloigne « Greylord » de ses bureaux. Les agents de Chicago chargés de suivre le dossier et les agents clandestins venus de tous les États-Unis ne doivent en aucun cas se montrer au bureau de Chicago, qui se trouve dans un bâtiment fédéral fréquenté par les juges et les avocats cibles de l’opération. Le FBI crée une société qui loue des bureaux dans un immeuble doté d’un garage souterrain. Au mur, une carte de la ville, piquetée de punaises de couleur, indique les résidences des agents et les lieux où ils opèrent. C’est là qu’ont lieu les écoutes, c’est là que les rapports sont stockés, c’est là aussi que les agents de Chicago retrouvent leurs collègues venus des quatre coins du pays. « On discutait avec eux des progrès accomplis, explique William Megary ; ils nous donnaient les enregistrements effectués pendant la semaine, et leurs rapports. On élaborait la stratégie pour la semaine à
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