FBI

recherchés par la police de Chicago… D’autres agents « Greylord » l’y rejoindront.
    Un gibier de taille
     
    À la suite des élections de décembre 1980, un nouveau procureur général entre en fonction dans le comté de Cook. Il s’appelle Richard Daley Jr. ; c’est le fils de l’ancien maire de Chicago. Tout-puissant boss démocrate de la région, Daley père avait assis son pouvoir grâce à l’« Entreprise », la mafia locale. Au sein de l’équipe de « Greylord », pendant plusieurs mois, le débat fait rage : faut-il prévenir le nouveau procureur de l’opération ? Terry Hake est contre, puisque le père de Richard Daley a nommé la plupart des juges corrompus et que rien n’indique que l’on puisse faire confiance au fils. Mais le FBI décide d’informer Richard Daley Jr. Il n’aura pas à le regretter.
    Richard Lefever, un des juges les plus puissants du comté, préside la prestation de serment du nouveau procureur. C’est une éminente personnalité du monde judiciaire ; il est respecté et craint de tous ; il contrôle les tribunaux municipaux depuis des décennies et doit son pouvoir aux réseaux de Richard Daley Sr. C’est de lui que peut venir la menace. Richard Lefever est en effet un ripoux de première. Terry Hake le tient du cousin même de l’intéressé, Jimmy Lefever, officier de police à qui il a remis une dizaine de pots-de-vin. Richard Lefever devient dès lors la cible principale de « Greylord ».
    L’Agent spécial William Megary sait qu’il ne lui sera pas facile de faire tomber le juge Lefever. Le FBI n’a pas assez d’éléments pour obtenir d’un juge fédéral l’autorisation de poser un micro dans son cabinet, et il lui est impossible de l’enregistrer ; de plus, Terry Hake n’a pas accès à lui.
    « Le juge Lefever était quelqu’un de très prudent, explique William Megary. Il avait beaucoup d’expérience. Je ne pouvais pas débarquer dans son tribunal sans qu’il me repère. Il aurait tout de suite vu que je n’avais rien à y faire, et serait devenu encore plus méfiant si je lui avais parlé. En outre, toutes ses affaires étaient secrètes. Il pouvait toucher ses pots-de-vin de mille manières différentes : on pouvait les lui remettre discrètement au bar, au restaurant, on pouvait même glisser une enveloppe dans la poche de son manteau… »
    Richard Lefever opère en se réfugiant derrière un solide réseau d’intermédiaires que le FBI identifie difficilement. Ce sont des professionnels, des hommes prudents. Terry Hake est au mieux avec certains d’entre eux. Le Bureau sait qu’il pourra les amener à témoigner contre le juge, une fois qu’il aura jeté ses filets. Mais il est trop risqué de tenter de les retourner avant. William Megary sait en outre que, dans le cadre d’un procès, ce sera la parole des intermédiaires contre celle du juge. Alors il sollicite et obtient l’aide d’un puissant allié, l’IRS, les services du fisc. « Les agents de l’IRS ont reconstitué plusieurs années de la vie du juge Lefever. Ils ont interrogé tous ceux qui ont eu affaire à lui. Ils étaient au courant de tous ses voyages en Irlande. Ils savaient quand il allait chez le barbier, dans quel restaurant il se rendait, ce qu’il mangeait, où il allait faire ses courses, ce qu’il achetait. À la fin, ils sont arrivés à prouver que le juge dépensait beaucoup plus d’argent qu’il n’en gagnait officiellement. »
     
    L’opération « Greylord » atteint son rythme de croisière en 1983. Une centaine d’agents se sont déjà fait arrêter. Le FBI prépare une deuxième vague : trois cents Agents spéciaux sont prêts à partir à l’assaut de Chicago. Leurs cibles sont plus importantes : ils visent des magistrats très haut placés, qui traitent généralement des affaires de criminalité organisée, les très gros trafics de drogue ou les crimes de sang. Mais un faux pas remet tout en question. Il a lieu après l’arrestation d’un jeune agent pour vol à main armée. En sus de ses faux papiers, l’agent a sur lui son badge du FBI. Un oubli fâcheux ! Les policiers préviennent le FBI qu’ils viennent d’arrêter l’un des leurs. Le Bureau récupère en catastrophe l’agent distrait et l’éloigne de Chicago. Les policiers croient encore avoir affaire à une brebis galeuse, mais ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’ils ne découvrent l’existence de