FBI

« Greylord ».
    « On a alors décidé d’opérer autrement, explique William Megary. Nous avons mis dans la confidence un petit groupe d’officiers de police et avons intégré à l’opération certains policiers triés sur le volet ; c’est eux, désormais, qui seraient chargés des arrestations. C’était une bonne chose, on limitait ainsi les risques. Lors d’une arrestation, il y a toujours possibilité que les choses dégénèrent. Nous ne voulions pas que nos agents soient blessés, nous voulions aussi les protéger lors de leur mise en détention. »
    Afin de pénétrer plus avant le réseau de la corruption, le FBI cherche à retourner l’un des intermédiaires. William Megary va alors tenter une opération risquée : « On avait placé le téléphone d’un intermédiaire sur écoute. Quand on a eu assez de preuves contre lui, on l’a convoqué dans l’intention de l’amener à coopérer avec nous. C’était un des plus gros intermédiaires du Palais, et on pensait qu’il pourrait nous livrer d’autres juges. Mais ça n’a pas marché. Il est sorti du Bureau et a commencé à informer tout le monde de ce qui se passait. Brusquement, tout s’est arrêté, il ne se passait plus rien, personne ne parlait plus, personne n’acceptait ni ne donnait d’argent. »
    Le 5 août 1983, les journaux publient les premiers articles mentionnant l’existence d’une opération d’infiltration du FBI visant le Palais de Justice du comté de Cook. Les journalistes ignorent encore le nom de Terry Hake. Mais pour combien de temps ?
    Le 8 août, par une chaude journée, une cérémonie secrète a lieu dans le sous-sol d’un garage d’Addison, ville du comté de Du Page, à moins d’une heure du centre ville de Chicago. Elle rassemble le nouveau SAC de Chicago, Edward Hegerty, et une poignée d’agents qui entourent un Terry Hake légèrement intimidé. L’occasion se prête à la solennité : Hake devrait être en costume-cravate ; il est vêtu d’un polo bleu et d’un pantalon de coton. Le SAC lève la main gauche, Hake la main droite, il jure de servir son pays. Le voilà agent du FBI. Il est le premier agent, et à ce jour le seul, à avoir été nommé en pleine opération d’infiltration, sans avoir présenté le concours de recrutement ni être passé par l’école des agents de Quantico.
    Début décembre, le FBI apprend que ce n’est plus qu’une question de jours avant que la presse ne fasse état du rôle de Terry Hake. L’infiltré et son épouse se réfugient à Washington. Les premiers articles le concernant paraissent le 6 décembre 1983. Terry Hake les accueille avec un soupir de soulagement. Trois ans et demi de tensions, de peurs, de trahisons prennent fin ! Le 14 décembre, au cours d’une conférence de presse, le Bureau annonce triomphalement la fin de l’opération « Greylord ». Au même moment, Terry Hake dort comme un bienheureux, bourré de calmants, dans un lit d’hôpital où il a été admis en urgence après une déchirure de la cornée.
    Dans les semaines qui suivent, le FBI engage des poursuites contre 92 des cibles de « Greylord » : 17 juges, 48 avocats, 8 policiers, 10 shérifs-adjoints, 8 employés des tribunaux et un député du parlement de l’Illinois.
    Devenu agent du FBI, Terry Hake tente de convaincre ses anciens associés de passer du côté du gouvernement. Jim Costello, le « Grand Échalas », manque de lui casser la figure. Il va voir son meilleur ami, Art Cirignani, mais ce dernier refuse de lui adresser la parole.
    Tandis que se préparent les procès, Terry Hake se réfugie de temps à autre à l’école du FBI de Quantico afin de suivre le stage qui fera de lui un véritable Agent spécial. Puis sonne l’heure la plus difficile, celle des procès. Terry Hake témoigne pendant des journées entières. Il résiste aux assauts des avocats de la défense, au mépris des accusés, dont celui de son ami Art Cirignani qui affirme ne pas le connaître. Il ne craque qu’une fois, quand, après un feu roulant de questions, un avocat lui demande ce qu’il pense de quelqu’un qui ne se fait des amis que pour mieux les trahir.
    La plupart des accusés sont condamnés à de lourdes peines de prison. Pour la première fois dans l’histoire de la justice américaine, des juges se retrouvent de l’autre côté des barreaux. Plutôt que d’aller en prison, deux juges et un policier qui leur servait d’intermédiaire se