FBI
suicident. Le Bureau vient de remporter sa première grande victoire contre la corruption du système judiciaire américain. Mais la victoire est incomplète : le FBI a donné un coup de pied dans la fourmilière de la justice au quotidien. Il lui reste encore à frapper les juges qui protègent la criminalité organisée et les grands criminels.
Où l’on reparle de l’Entreprise…
Du temps de sa splendeur, Al Capone avait compris l’importance de pouvoir compter sur la protection des hommes politiques qui, à Chicago, contrôlent directement les juges et la police. Il avait donc pris d’assaut le Parti républicain et s’était assuré le contrôle de la banlieue de Cicero où, les jours d’élections, ses troupes occupaient militairement les rues, mitraillette au poing. Après la condamnation d’Al Capone pour fraude fiscale, l’« Entreprise » est dirigée par Tony Accardo, dit « le Batteur » parce qu’il aimait tuer ses victimes à coups de batte de base-ball. Tony Accardo régnera sur l’« Entreprise » pendant plus de cinquante ans, jusqu’à sa mort en 1992. Comme Capone, Accardo a compris que, pour durer, il avait besoin des hommes politiques. Il a investi la première des cinquante-cinq circonscriptions de la ville. C’est là qu’est concentré tout le pouvoir. Depuis le début des années 1960, il a confié les rênes de cette circonscription à Pat Marcy, un ancien protégé de Capone. Véritable courroie de transmission entre le Parti démocrate et les mafieux de l’« Entreprise », Pat Marcy est un homme de réseau et d’influence : c’est lui qui a organisé la rencontre entre l’ambassadeur Joe Kennedy et le chef de l’« Entreprise », Sam Giancana, afin de négocier le soutien de la Mafia à la campagne présidentielle de John Fitzgerald Kennedy en 1960.
« Pat Marcy a détourné le Parti démocrate, le gouvernement de la ville, son système judiciaire et même sa police. Comme une pieuvre, il s’est insinué partout et a fait jouer les leviers du pouvoir au profit de ses hommes et de la Mafia. Ceux qui étaient proches de lui, comme moi, vivaient dans la peur de ses colères. Il nous a poussés dans un engrenage criminel dont il était impossible de sortir1. »
L’homme qui parle, Robert Cooley, est un des avocats les plus en vue de Chicago. Son père était policier, tout comme ses deux grands-pères, morts en faisant leur devoir. Lui-même a débuté dans la police de Chicago pour pouvoir se payer des études de droit. Il travaille pour les principaux mafieux et notables politiques de la ville. Normal : il a la réputation de faire ce qu’il faut pour obtenir l’acquittement de ses clients, et achète régulièrement juges, substituts au procureur, shérifs-adjoints du comté de Cook. Robert Cooley est un homme très riche. C’est un flambeur, il aime le jeu, l’alcool et les femmes. Il s’affiche dans les bars et les cercles de jeux les plus sélects de la ville. Pendant près de vingt ans, il a été l’un des hommes de confiance de Pat Marcy. Une collaboration fructueuse qui a commencé en 1977.
Robert Cooley avait déjà tout ce dont il pouvait rêver. Il avait son propre cabinet d’avocats, qui n’était certes pas bien grand, mais qui était le sien et qu’il appréciait. Il possédait une salle de gymnastique et l’un des restaurants italiens les plus en vue de la ville. Ses clients payaient cash et il lui arrivait d’avoir tellement d’argent qu’il ne savait qu’en faire. Il pouvait claquer 50 000 dollars au casino de Las Vegas sans ciller. Mais il lui manquait une chose : le pouvoir, que seul pouvait lui donner le patron de la première circonscription. Robert Cooley avait pour clients les hommes de la Mafia, Pat Marcy et les parrains qui dirigeaient l’« Entreprise ».
Pat Marcy traite ses affaires dans un des restaurants de la ville, le Councellor Row, où une table lui est réservée en permanence. Baptisée « table de la Première Circonscription », elle ne paie pas de mine : quatre chaises en métal et plastique disposées autour d’un plateau métallique où trônent une bouteille de ketchup, du sel, du poivre et des serviettes en papier. À côté, sur un guéridon, un téléphone en bakélite au pied d’un mur de photos. Mais c’est là que se traitent les plus grosses affaires de la ville. C’est là que Pat Marcy et ses hommes décident des promotions et des nominations au sein de la justice et
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