FBI

n’ignore pas que le tueur a ses habitudes au champ de courses de Maywood Park ; c’est là qu’il va l’affronter.
    Les agents du FBI tentent de l’en dissuader. Les risques sont trop grands. Mais Robert Cooley sait que le temps lui est compté. La fin annoncée de « Gambat » lui donne des ailes et l’incite à prendre tous les risques. Le matin de la rencontre, les agents du FBI remettent un Nagra à l’avocat. Ils voudraient le suivre afin d’intervenir pour le cas où. Cooley refuse : les gardes du corps de Harry Aleman auraient tôt fait de les repérer.
    Robert Cooley retrouve le tueur, qui suit les courses dans un salon privé du club-house plongé dans la pénombre.
    « Salut, Harry !
    – Putain, t’es qui, toi ?
    – Tu ne me reconnais pas ? Je suis ton vieux pote Robert Cooley.
    – Oh, Bob, comment vas-tu ?
    – Tu as l’air en grande forme ! »
    Puis, l’attirant dans un coin, Cooley glisse à la « Machine à tuer » :
    « On m’a dit que t’étais furieux contre moi. J’espère que ce n’est pas à cause de ton fils… »
    Robert Cooley avait embauché le fils de Harry Aleman, mais avait dû s’en séparer : le jeune homme était soûl ou défoncé à longueur de journée. Cooley sait que la «  Machine à tuer » ne lui a pas tenu rigueur d’avoir renvoyé son fils. Enfin, il va droit au but :
    « Tu ne sais pas qui j’ai rencontré ? Notre ami le juge !
    – Quel juge ?
    – Celui de ton affaire, Frank Wilson. »
    La « Machine à tuer » fait un bond :
    « Je ne veux pas parler de cette affaire. Ne mentionne plus jamais son nom ! »
    « Fils de pute, se dit Cooley, tu as tiré parti de mes leçons ! » Combien de fois l’avocat avait-il répété à son client de se méfier de tout le monde, et de partir du principe que quiconque parlait d’affaires sérieuses portait un micro ou un magnétophone ?
    À ce moment, deux des gardes du corps d’Aleman font irruption dans la pièce. Cooley les connaît, il va les saluer et discute avec eux. Il sent qu’Aleman le regarde fixement. Sur lui, il a ses deux armes et le Nagra du FBI qui lui brûle les cuisses.
    Robert Cooley résiste à la tentation de prendre ses jambes à son cou. Il traîne en compagnie des gardes du corps de la « Machine à tuer ». Puis, après avoir pris congé, il va placer des paris pour le cas où il serait suivi, et attend encore un peu avant de s’éclipser.
    La rencontre n’est pas un fiasco total. Même si Aleman n’a rien dit, sa réaction est significative.
    Quelque temps plus tard, Robert Cooley quitte discrètement Chicago. Il ne change pas seulement de ville, mais aussi de vie. Il fait désormais partie du Federal Witness Program, le programme de protection des témoins fédéraux. Il a une nouvelle identité, vit sous haute protection et change régulièrement de domicile.
     
    En novembre 1989, un agent du bureau de Chicago se rend en Arizona, où le juge Frank Wilson a pris sa retraite. « Bob Cooley travaille pour le gouvernement, lui dit-il. Nous avons un enregistrement où il parle avec vous du pot-de-vin de 10 000 dollars. » Le juge Wilson lui répond la même chose qu’à Robert Cooley : « Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. »
    En février 1990, un agent du Bureau téléphone à Frank Wilson pour lui proposer l’immunité s’il accepte de témoigner. Le juge raccroche, puis il sort dans son arrière-cour et se tire une balle dans le crâne.
    Quand Robert Cooley apprend la nouvelle, il a l’impression de recevoir un coup sur la tête. Frank Wilson n’était pas le pire des ripoux de Chicago. Le pot-de-vin de 10 000 dollars est sans doute le délit le plus grave que le juge ait jamais commis. Il aurait pu s’en sortir en témoignant. « Mais il était trop gêné et humilié pour le faire », commente Cooley.
     
    Faute de disposer du témoignage de Frank Wilson, le Département de la Justice hésite à juger à nouveau la « Machine à tuer ». Robert Cooley réussit à convaincre le FBI que la partie est jouable. Le Bureau confie le dossier au plus agressif des substituts du procureur chargé de lutter contre la criminalité organisée. Le substitut rencontre Cooley, qui se terre au fin fond de l’Arizona. Les deux hommes sympathisent. Le substitut est convaincu de pouvoir rejuger Harry Aleman. Le 8 décembre 1993, lors d’une conférence de presse, il annonce que la « Machine à tuer » sera jugée une seconde