FBI
matière de lutte anti-Mafia. En 1970, Robert Blackey a rédigé une nouvelle loi qui a été adoptée par le Congrès, le Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act , plus connu sous le nom de RICO. Dix ans plus tard, le FBI n’a toujours pas compris l’usage qu’il pouvait faire de cette loi qui élargit les limites du délit associatif. Robert Blackey a l’impression de crier dans le désert. Tout le monde fuit ses séminaires sur l’emploi de RICO dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée. Il en a tenu un à Quantico devant des élèves du FBI qui s’endormaient, il a été pratiquement expulsé du bureau du procureur de New York quand il a tenté de répéter ses explications. Partout et à chaque fois, le même accueil glacial l’attend. Pour les agents et les procureurs, il n’est qu’un universitaire qui ne connaît rien à la lutte anti-Mafia.
Quand le professeur Blackey commence à décrire la structure de la Mafia aux États-Unis devant une salle peuplée d’étudiants, Jules Bonavolonta murmure à l’intention de son voisin Jim Kossler :
« Quelle barbe !
– Laisse-lui un peu de temps pour s’échauffer ! »
La matinée s’écoule sans que Jules Bonavolonta change d’avis. À la reprise du séminaire, il s’apprête à s’assoupir quand, brusquement, Robert Blackey le tire de sa torpeur :
« La seule stratégie pour frapper le cancer qui gangrène les États-Unis depuis soixante-dix ans, c’est de frapper la Cosa Nostra directement au cœur. Une telle attaque ne peut réussir que par l’emploi stratégique d’écoutes téléphoniques et de micros, et par un usage adéquat de la loi RICO.
– Putain de merde ! dit Jules Bonavolonta.
– Je sais.
– Il faut absolument qu’on parle à ce type ! »
À la fin de l’exposé, les deux agents du FBI fondent sur le frêle Robert Blackey et l’assaillent de questions. Le petit homme s’enflamme et répond aux agents. Il lui faudra trois jours pour leur exposer à fond le fonctionnement de RICO.
« Blackey nous a expliqué, se souvient Bonavolonta, que la beauté de RICO était de pouvoir se servir d’un fait criminel (meurtre, extorsion) comme preuve matérielle. L’idée de départ est aussi simple qu’un puzzle pour enfants : il s’agit de relier entre elles les différentes pièces. On relie un meurtre à une extorsion, un trafic de drogue à un prêt usuraire, et brusquement apparaît un des éléments essentiels de la vision de Blackey : le modèle du crime. Si vous arrivez à lier ce modèle à une famille de la Cosa Nostra, alors vous pouvez poursuivre tous ses membres au nom de RICO. »
Le cœur du dispositif est un article de loi rédigé par Robert Blackey quelques années auparavant. Cet article définit le cadre juridique des écoutes ; « titre III » du Code criminel, il autorise le FBI à poser des micros sur simple mandat d’un juge fédéral. Depuis, dans le jargon du FBI, on ne dit plus un micro, mais un « titre III » ou « T3 ».
Aux États-Unis, la Constitution protège jalousement la vie privée des citoyens, souligne Jules Bonavolonta. Un juge à qui l’on soumet une demande de « titre III » réclame de solides preuves d’activités criminelles avant d’autoriser l’installation de micros ou d’écoutes chez des particuliers ou dans des bureaux. Les autorisations ne sont accordées que pour un temps limité ; pour les renouveler, les avocats du gouvernement doivent revenir devant le juge et procéder à une nouvelle demande. Cet élément fait également partie de la vision de Blackey, qui souhaite le durcissement des instruments de lutte contre le crime organisé tout en s’assurant qu’il y a suffisamment de garde-fous pour éviter les bavures.
Tandis que Robert Blackey explique le sens de son dispositif, Jules Bonavolonta et Jim Kossler bouillent d’impatience de s’en retourner à New York pour raconter leur « découverte » à leurs collègues. Jusqu’alors méprisés par le Bureau en raison de leur complexité, les « titres III » vont devenir un instrument de lutte sans pareil. Il suffit de convaincre les juges de la nécessité de leur emploi. Dès lors, chaque conversation peut devenir une preuve.
« Que l’on étaie ces preuves avec des agents infiltrés comme Joe Pistone, et le Ciel nous appartient ! s’exclame Bonavolonta.
– Mais il y a plus, renchérit Blackey : si un chef de Famille tombe dans le
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