FBI
qu’il soigne en le noyant sous des litres de lait coupés de whisky. Burlington est un des rares Agents spéciaux à ne pas aimer travailler au-dehors. Il conçoit les enquêtes comme une partie d’échecs. C’est dans sa maison de campagne de Wechester qu’a lieu le debriefing de Jack Childs.
Les deux hommes sont à l’opposé l’un de l’autre, mais se complètent. Jack Childs aime à parler, l’Agent special se plaît à écouter. Childs explique qu’il n’a jamais vraiment ajouté foi à « toutes ces conneries communistes ». Il évoque son séjour à Moscou, ses missions à Berlin, avant de donner la clef de son engagement. S’il a rejoint le Parti communiste américain au début des années 1930, c’est pour venir en aide à son frère Morris. Jack Childs affirme à l’Agent spécial : « Morris, c’est votre ticket d’entrée pour les hautes sphères du Parti communiste. » Jack était un homme d’appareil ; Morris, un leader. Jack connaît beaucoup de monde ; Morris, lui, connaît tout le monde.
Contrairement à son frère, Morris Childs était un révolutionnaire convaincu. Pour lui, la révolution n’était pas un « dîner de gala ». Pour bien faire comprendre la différence à son agent traitant, Jack Childs raconte que, quand il se trimbalait au cœur de l’Allemagne nazie, il lui arrivait de se défaire de sa ceinture de pièces d’or lorsqu’il se mettait au lit, généralement avec des prostituées. Ça n’aurait jamais pu arriver à son frère Morris : non seulement il n’aurait jamais quitté sa précieuse ceinture, mais il n’était pas question qu’il couche avec des prostituées.
Morris Childs débarque à Moscou plein d’une ferveur quasi mystique. Il a rejoint le PCUSA en 1919, à l’âge de dix-neuf ans, et il est devenu proche d’une des figures légendaires du Parti, Earl Browder, un des premiers agents du Komintern. Envoyé à l’université Lénine de Moscou en 1929, il tisse des liens avec les futurs grands dirigeants communistes de la planète. Forgées durant les cours de sabotage du Komintern, ces amitiés-là sont indéfectibles. À son retour aux États-Unis, Morris Childs continue son ascension au sein du PCUSA jusqu’à devenir, à la fin de la guerre, le rédacteur en chef de son quotidien, le Daily Worker . Mais en 1946, lors d’un voyage à Moscou, il perd la foi : trop de ses camarades ont disparu, victimes des purges, et il s’inquiète du sort réservé aux intellectuels juifs. Aux États-Unis, les luttes internes et les intrigues au sommet du PCUSA l’épuisent. Il est bientôt destitué de son poste de rédacteur en chef du Daily Worker . Victime de crises cardiaques à répétition, il s’éloigne du Parti et attend la mort dans une sordide chambre du « Village ».
Le Bureau aurait dû arrêter Morris Childs dès 1947 ; il ne l’a pas fait à cause de la mauvaise santé de l’ancien dirigeant du PCUSA. Les agents chargés de le filer le voyaient marcher péniblement dans la rue, s’arrêter tous les cinquante mètres pour reprendre son souffle. Après sa disgrâce au sein du PCUSA, le Bureau se désintéresse de son sort jusqu’à ce que Jack Childs propose au contraire de l’employer pour la plus folle des opérations d’infiltration.
À la demande de son frère Jack, Morris Childs reçoit l’Agent spécial Carl Freyman, un homme doux aux faux airs d’intellectuel, en réalité l’un des meilleurs recruteurs d’informateurs du Bureau. Morris Childs ne demande qu’à se laisser convaincre : il est revenu du communisme depuis déjà plusieurs années. Est-il prêt à renouer avec ses anciens contacts et à devenir une taupe au sein du PCUSA ? Il répondrait oui sans hésiter, n’étaient ses problèmes de santé.
L’Agent spécial Carl Freyman contacte les meilleurs cardiologues du pays tout en priant pour que son supérieur n’y trouve rien à redire. Morris Childs ne travaillerait pas pour le FBI, et pourrait même ne jamais rendre aucun service, si son cœur venait à flancher. Le Bureau, qui n’est pourtant pas réputé pour sa philanthropie, accepte de financer des soins onéreux à la clinique Mayo de Rochester, Minnesota, afin de sauver la vie de Morris Childs.
Autre problème : comment Morris pourra-t-il expliquer aux camarades du Parti d’où vient l’argent consacré à ses soins ? Jack trouve la solution : organiser une quête au sein du Parti en omettant de préciser que le plus gros
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