FBI
militairement le Vietnam du Nord. Information capitale, alors que les États-Unis sont en train de s’enfoncer dans le bourbier vietnamien. Mais les renseignements recueillis par Morris et Jack Childs ne sont pas traités avec toute l’attention nécessaire. Au printemps 1968, le responsable du contre-espionnage du Bureau, William Sullivan, ne transmet pas à la Maison-Blanche ni au Département d’État le rapport annonçant avec quelques semaines d’avance l’invasion de la Tchécoslovaquie destinée à stopper net le « Printemps de Prague » d’Alexander Dubcek. Les responsables de l’opération « Solo » protestent : si la Maison-Blanche ou le Département d’État avaient été prévenus de l’invasion, ils auraient pu intervenir clandestinement pour empêcher la révolte d’être étouffée par les chars du Pacte de Varsovie. Réponse de William Sullivan : « Vous ne nous avez pas dit quand ni comment les Soviétiques interviendraient. »
Morris Childs révèle également que l’économie soviétique est au bord du gouffre. Moscou doit réduire son aide financière au PCUSA. En 1966, elle redescend à 700 000 dollars, alors qu’en 1965 elle dépassait le million. En s’esclaffant, Boris Ponomarev ajoute : « On peut vous donner tous les tanks et toutes les armes que vous voulez, mais de l’argent, on n’en a plus ! »
Outre ses fonctions de trésorier, Jack Childs est en contact permanent avec le KGB, auquel il remet régulièrement des rapports rédigés par des responsables du Parti communiste ou des documents confidentiels. Le FBI ne résiste pas à la tentation de se servir de lui pour faire de la désinformation, arme dont il use avec parcimonie afin de ne pas compromettre la mission des deux frères. Le KGB a remis à Jack Childs ses gadgets dernier cri : un appareil photo miniature et un dispositif de production de microfilms. Jack a aussi reçu un magnétophone portable doté d’un émetteur radio dont il se sert pour transmettre à très grande vitesse des messages pré-enregistrés à un agent du KGB équipé d’un récepteur. Le transfert se déroule dans un lieu public, généralement un grand magasin. Mais Jack Childs est une grande gueule, qui prend souvent les agents du KGB de haut. Et il va lui arriver de commettre une bévue.
Faux pas
Au début d’avril 1967, le KGB convoque Jack Childs à Moscou pour dresser un bilan des opérations. Avant de prendre congé, son agent traitant lui demande s’il n’est pas trop étonné de la manière dont les choses se déroulent. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu la moindre anicroche, le moindre raté, le moindre malentendu, comme c’est souvent le cas lorsque les rendez-vous sont aléatoires et le système de communication hyper-sécurisé. Si tout se passe parfaitement, c’est que le Bureau s’occupe de l’intendance ! Pour soulager les frères Childs, qui ne sont plus tout jeunes ni en très bonne santé, des agents du FBI écoutent les fréquences radio employées par le KGB pour fixer les rendez-vous. À New York, d’autres Agents spéciaux fabriquent les micro films destinés aux agents soviétiques et se chargent de taper à la machine l’index des documents figurant en tête de chaque microfilm.
« Comment rédigez-vous l’index ? demande l’agent du KGB à Jack Childs.
– Je le tape à la machine.
– Celui-ci, vous ne l’avez pas tapé à la machine », réplique le Soviétique en produisant le cliché d’un document manuscrit.
Il s’agit d’un index rédigé à la main par un agent du FBI qui a par erreur microfilmé sa propre note manuscrite.
« Ce n’est pas votre écriture. Qui a rédigé cette note, camarade ? » interroge l’agent du KGB.
Jack Childs le prend de haut et explique que, s’étant foulé le poignet, il a demandé à sa femme, Roselyn, de rédiger la liste. Le KGB sait que l’épouse de Jack Childs est au courant de ses activités et qu’elle lui donne parfois un coup de main. Il suffirait que l’agent du KGB se procure un exemplaire de son écriture pour que tout s’effondre. Calmé, Jack Childs invite l’agent du KGB à la réception organisée au Kremlin le soir même pour son soixantième anniversaire. Il lui présente tout ce que Moscou compte de puissants. Les dirigeants du Politburo lèvent leurs verres à la santé de leur ami Jack. L’agent du KGB aussi, mais Jack Childs pourrait jurer que son sourire en coin veut dire : « Pour
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