FBI

L’autre raison de cette « discrétion » est la prudence : le Bureau ne souhaite pas faire de promesses qu’il lui sera impossible de tenir.
    Le FBI envoie à Atlanta deux de ses meilleurs profileurs, John Douglas et Roy Hazelwood. Choix judicieux : ils ont été formés par Howard Teten et Pat Mullaney. Douglas s’est déjà fait remarquer par la pertinence de ses analyses et de ses profils. C’est lui qui servira de modèle au personnage de Jack Crawford, responsable de la BSU dans le film de Jonathan Demme, Le Silence des agneaux . Hazelwood, lui, est un des plus brillants instructeurs de la BSU, spécialisé dans les affaires de délinquance sexuelle et de violences interpersonnelles. Tous deux sont chargés d’enquêter sur les connexions entre les différents meurtres et d’établir si les enfants n’ont pas été victimes de quelque obscur complot. Quand ils arrivent en ville, la police vient de découvrir une seizième petite victime et la fin du cauchemar semble encore loin.
    Les deux profileurs se plongent dans les volumineux dossiers des enquêteurs, interrogent les familles et les témoins, arpentent les scènes de crime ainsi que les alentours des résidences des victimes. Ils évitent de se communiquer leurs impressions. Au terme de leur enquête, un psychologue les soumet à une série de tests. Ils répondent aux questions en adoptant le point de vue du ou des tueurs. Le psychologue n’en revient pas : leurs conclusions sont les mêmes. Elles ne vont pas plaire à tout le monde…
    De leur plongée dans l’affaire, les deux profileurs tirent trois certitudes.
    1˚ Il ne s’agit pas d’une vague d’assassinats racistes ;2˚ Plusieurs groupes de prédateurs sont à l’œuvre ;3˚ Les tueurs sont noirs.
    La chasse commence
     
    « J’ai compris que les tueurs étaient noirs en me rendant sur les lieux du crime, raconte Roy Hazelwood. J’étais accompagné par des policiers noirs. Dès que l’on arrivait sur place, tout se figeait, les conversations cessaient. Mes accompagnateurs m’ont alors expliqué que j’étais cause de ces réactions. Les gens n’avaient tout simplement pas l’habitude de voir des Blancs dans leur quartier. »
    Roy Hazelwood et John Douglas se rendent chez le maire de la ville pour lui faire part de leurs conclusions. En pénétrant dans la salle de réunion occupée uniquement par des Noirs, ils ne peuvent s’empêcher d’éprouver une pointe d’appréhension. À leur grande surprise, tous les présents poussent des soupirs de soulagement en apprenant que le ou les tueurs ne sont sans doute pas des Blancs. Les deux profileurs réalisent alors que la ville était devenue une véritable poudrière, et que ses responsables craignaient par-dessus tout d’avoir à affronter des émeutes raciales.
    Les victimes ont plusieurs points communs. Toutes sont des enfants issus de milieux très pauvres, habitués au monde de la rue. Afin de comprendre ce qui a pu pousser des enfants pourtant débrouillards à suivre des adultes qui leur voulaient du mal, les deux profileurs ont demandé à la police d’Atlanta de se livrer à une expérience. Des policiers noirs en civil ont quadrillé les bas-fonds de la ville, proposant aux enfants cinq dollars pour les suivre. Tous les enfants contactés ont accepté. Même résultat avec des policiers blancs. La misère des enfants est telle qu’ils sont prêts à tout en échange de cinq malheureux dollars ! Comble de l’horreur, les deux profileurs découvrent que certains enfants ont sans doute été assassinés par leurs propres parents. Le directeur du FBI, le juge William Webster, homme pourtant prudent et réservé, fait publiquement part de son indignation, suscitant un tollé médiatique. L’Amérique n’est pas prête à admettre que certains de ses citoyens tuent leur propre progéniture.
    Alors que la tension monte, les policiers annoncent être sur une piste. Non loin d’une des scènes de crime, ils ont retrouvé un magazine pornographique. Le laboratoire du FBI décèle des traces de sperme et relève une empreinte. À l’époque, le fichier des empreintes digitales n’est pas encore informatisé. Les vérifications ont lieu manuellement et coûtent des millions de dollars. Le juge Webster est saisi d’une demande de « recherche exhaustive » au sein du fichier du Bureau afin d’identifier l’empreinte. « Je me suis dit qu’on tenait peut-être là quelque chose, commente Webster. On avait