FBI
première fois de sa vie, il se sent à l’abri et découvre un pays où il est possible de rêver à son avenir.
Ali Soufan termine son adolescence en Pennsylvanie. Après avoir passé avec succès un master en relations internationales à l’université de Villanova, non loin de Philadelphie, il envisage de passer son doctorat. Par jeu, il pose sa candidature au FBI avec la certitude de ne pas être admis. À sa grande surprise, en juillet 1997, il reçoit une lettre du Bureau le convoquant à Quantico deux semaines plus tard. Après avoir passé toutes les épreuves, le voici Agent spécial. Il a un badge, une arme, et une feuille de route lui donnant l’ordre de se présenter au bureau de New York (NYFO).
Seul agent du bureau new-yorkais à parler arabe, Ali Soufan est affecté à la division contre-terroriste. Désormais, il dépend du SAC John O’Neil. Ses collègues sont presque tous des agents chevronnés qui ont fait leurs premières armes contre la Cosa Nostra dans les années 1980. Le Bureau leur doit ses plus beaux succès. Soufan se rode au sein de l’équipe I-40, chargée de démanteler les réseaux américains du Hamas, principal mouvement islamiste palestinien. Après l’avoir ainsi testé, O’Neil le mute dans l’équipe I-49, le 7 août 1998, quelques heures après les attaques contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie. L’équipe I-49 a pour vocation de se concentrer sur Al-Qaida, et O’Neil a décidé d’y affecter les meilleurs de ses agents.
En dépit de son jeune âge, John O’Neil et Pat d’Amuro confient des missions délicates à Ali Soufan. Quand Oussama Ben Laden émet sa première fatwa contre les États-Unis, Soufan rédige une longue note sur le fondamentalisme islamique que O’Neil, impressionné, fait circuler. Après les attaques contre les ambassades dans la corne de l’Afrique, c’est lui qui rassemble les pièces à conviction contre Al Qaida. Pour O’Neil, Soufan est « un trésor national » ; il dit de lui qu’il est son « arme secrète ».
Au moment de l’attaque contre l’ USS Cole , Ali Soufan se trouve dans un taxi sur le pont de Brooklyn. Son pager sonne, il a ordre de se rendre toutes affaires cessantes au siège du bureau de New York (NYFO). L’Amérique est en guerre, mais ne le sait pas encore. Au FBI, seulement sept ou huit agents parlent arabe.
Ali Soufan débarque peu après à l’aéroport d’Aden à la tête d’un commando de plusieurs dizaines de Agents spéciaux. Leur avion est immédiatement entouré par un détachement de soldats de l’armée yéménite qui braquent leurs kalachnikovs en direction des agents. Chargés de la protection de l’équipe américaine, les hommes du Hostage Rescue Team (HRT) leur répondent en armant leurs M4 et en dégainant leurs armes de poing.
« Personne ne menaçait les hommes du HRT, dit fièrement Ali Soufan. Mais, en même temps, il nous fallait réfléchir au plus vite. » L’Agent spécial a conscience que, s’il ne fait pas quelque chose sur-le-champ, la situation risque de dégénérer en bain de sang. Au Yémen pas plus qu’au FBI on ne plaisante avec les armes, surtout quand elles sont sorties, armées et prêtes à ouvrir le feu. Que Soufan réagisse mal, et ils sont tous morts.
Ali Soufan se dirige vers un militaire équipé d’un talkie-walkie et qui semble être l’officier le plus élevé en grade.
« Que se passe-t-il, pourquoi ces armes ? lui demande-t-il en arabe.
« C’est pour votre protection, lui répond l’officier.
– On ne protège pas les gens en les braquant. Vous feriez mieux de pointer vos armes vers l’extérieur de l’aéroport… »
Ali Soufan a très chaud : il n’a pas eu le temps de se changer et transpire sous le pull-over de laine qu’il porte depuis New York. Sur le tarmac, il fait près de 40 degrés. Les soldats yéménites sont eux aussi en nage.
« Vous devez avoir soif, leur dit-il. Vous voulez de l’eau ? »
Se tournant vers ses hommes, l’Agent spécial leur ordonne de distribuer les bouteilles d’eau qu’ils ont apportées avec eux. Les soldats baissent leurs armes et prennent avec empressement les bouteilles, mais ne les boivent pas.
« C’est de l’eau américaine », s’exclament-ils, émerveillés, comme si ces bouteilles étaient des objets de culte…
« La glace était brisée, commente malicieusement Soufan. Si l’on peut parler de glace par 40 degrés… »
Pour le
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