FBI
s’acharne à faire du Yémen un allié des États-Unis. Elle est plus soucieuse de ne pas froisser les Yéménites que d’aider les agents du FBI. En voyant débarquer les Agents spéciaux par dizaines, elle leur a manifesté son hostilité. Elle aurait souhaité que le contingent se limite à une dizaine d’agents, et n’est pas loin de donner raison aux policiers yéménites quand ils disent qu’ils n’ont aucun besoin du FBI : « Imaginez qu’un avion militaire étranger se pose à Des Moines et que 300 hommes armés en débarquent », dit-elle pour justifier son hostilité.
L’ambassadrice exagère. Les agents du FBI ne sont que 150, dont un tiers employés à la sécurité d’un contingent composé de médecins, de techniciens, de criminologues, de photographes. L’ambassadrice Bodine est résolue à reprendre les choses en main. Sous prétexte de ne pas choquer les Yéménites, elle refuse que les agents soient équipés de fusils ou d’armes automatiques jugées par trop voyantes. Elle obtient une réduction du contingent du FBI. « Elle envoyait de nombreux télégrammes au Département d’État, traitant John O’Neil de menteur, disant qu’il embarrassait les États-Unis et qu’il devait être rappelé », explique Barry Mawn, directeur du bureau de New York à la fin des années 1990. Barry Mawn reçoit régulièrement copie des protestations du Département d’État auprès du directeur du FBI, Louis Freeh. Au bout de quelques semaines, Freeh envoie Mawn au Yémen pour enquêter sur O’Neil.
« J’ai parlé à l’ambassadrice américaine, à John O’Neil et à nombre de personnes impliquées dans l’enquête, relate Barry Mawn. J’en suis arrivé à la conclusion que John faisait son boulot. Il conduisait son enquête de manière un peu agressive, et peut-être avait-il fait des mécontents au Yémen. Mais il les bousculait pour obtenir ce qu’il voulait, et moi, ça m’allait très bien. En rentrant, j’ai dit au Directeur que John faisait ce qu’il devait faire. »
John O’Neil quitte le Yémen en novembre 2000 avec la ferme intention d’y revenir un mois plus tard. Mais, après Noël, quand le SAC manifeste son désir de retourner poursuivre sa mission sur le terrain, l’ambassadrice Barbara Bodine refuse de lui accorder son accréditation. Le directeur du FBI, Louis Freeh, ne dit mot. O’Neil ne retournera jamais plus au Yémen.
Barbara Bodine a remporté une victoire à la Pyrrhus. En chassant le SAC du Yémen, elle ralentit considérablement l’enquête sur l’attentat perpétré contre l’ USS Cole ; elle empêche aussi la mise au point du projet de nouvelle attaque contre les États-Unis, celle qui va détruire les deux tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001.
Sur la route du 11 Septembre
Pendant ce temps, Ali Soufan continue patiemment son travail de fourmi. Ses hommes quadrillent l’ USS Cole , transformé en « scène du crime », à la recherche du moindre indice : empreintes, traces d’ADN susceptibles de leur permettre de remonter une piste. Soufan sait que, sans l’aide des autorités yéménites, l’enquête risque fort de déboucher sur une impasse. Le général Ghalib Qamish se révèle bien être leur allié le plus sûr.
Le dossier de la police yéménite n’est pas aussi vide que le pensent les agents du FBI. Au lendemain de l’attaque contre l’ USS Cole , Hani, un enfant de douze ans, s’est présenté à la police d’Aden. Il a vu les membres du commando peu avant qu’ils ne passent à l’action. Il était en train de pêcher sur les quais quand une camionnette Nissan s’est arrêtée. Un de ses occupants a remis 100 rials au gamin pour qu’il surveille la camionnette en attendant que quelqu’un vienne la rechercher. Puis ils sont partis et ne sont jamais revenus. La police a écouté le garçon avant de le coffrer, lui et son père. Au Yémen, la réaction des policiers est parfois surprenante, mais toujours brutale.
John O’Neil et Ali Soufan bataillent ferme pour obtenir l’autorisation d’interroger Hani et de se rendre sur le port en sa compagnie.
Le gamin a peur. Quelques bonbons l’apaisent. Ali Soufan lui pose une question à laquelle les Yéménites n’avaient pas songé :
« Tu peux me montrer où était garée la camionnette Nissan que tu devais garder ? »
La camionnette Nissan n’a pas bougé depuis le jour de l’attentat ! Al Qaida a commis sa première grosse
Weitere Kostenlose Bücher