FBI
s’entête à ne pas vouloir communiquer les informations en sa possession. « Je suppose qu’à l’époque ils savaient que des membres d’Al Qaida étaient aux États-Unis et que nous voulions les interroger à propos de l’attaque de l’ USS Cole », dit Ali Soufan. Son supérieur, Pat d’Amuro, s’interroge : « Je ne sais pas pourquoi la CIA a gardé pour elle ces informations. Je ne sais si c’est parce qu’ils voulaient mener leur propre enquête, ou s’ils pensaient pouvoir en tirer des renseignements. Je n’ai aucune idée des raisons pour lesquelles ces informations ont été cachées au Bureau. J’aimerais bien les connaître… »
Kahled al-Mihdhar et Nawaf al-Hazemi sont deux des cinq pirates de l’air qui ont détourné le vol 77 d’American Airlines qui s’est écrasé sur le Pentagone, le 11 septembre 2001. On n’ôtera pas de la tête des agents du FBI que si la CIA leur avait signalé leur présence sur le territoire américain à partir de janvier 2001, la tragédie aurait pu être évitée.
La CIA envoie régulièrement des rapports spéciaux, les « Central Intelligence Reports » ou CIR. Entre le mois de juillet 1999 et le 10 septembre 2001, Alec Station fait parvenir au FBI plus de 1 000 CIR, c’est-à-dire pratiquement toute la production de la Station, à l’exception des rapports concernant la réunion de Kuala Lumpur ainsi que Kahled al-Mihdhar et Nawaf al-Hazemi. Les enquêteurs de l’OGI (Office of the General Inspector), la police des polices du Département de la Justice, se sont procuré ces rapports en 2004 et découvrent qu’ils ont été communiqués pour information à la NSA, mais pas au FBI…
La Muraille de Chine
En 1995, le Département de la Justice décide de séparer formellement les agents du FBI s’occupant d’espionnage ou de contre-espionnage des autres agents en érigeant entre eux un « mur ». Désormais, les agents de la section Contre-espionnage n’ont plus le droit de parler de leurs enquêtes avec leurs collègues chargés des affaires criminelles. Prudents, les responsables du FBI transforment le « mur » en véritable muraille : les agents chargés du contre-espionnage qui se hasarderaient à échanger des informations avec leurs autres collègues verraient leur carrière compromise. Plus grave encore : le « mur » va dorénavant se dresser aussi entre les agents d’une même équipe.
« Il faut vous rappeler ce qui se passait à l’époque, explique Pat d’Amuro. Les juges s’inquiétaient du fait que le FBI utilisait dans des procédures criminelles de droit commun des renseignements collectés dans le cadre d’affaires concernant la sécurité nationale et le contre-espionnage. À la demande du Département de la Justice, le FBI a dressé une “muraille de Chine” afin de prévenir l’échange d’informations entre le Contre-espionnage et le reste du Bureau. Il y avait dans l’équipe de Dan Coleman à New York (I-49) un agent qui travaillait sur l’aspect “contre-espionnage” des attentats contre les ambassades au Kenya et en Tanzanie. Il a dû signer un affidavit certifiant qu’il ne dévoilerait aucune information aux agents susceptibles de témoigner dans le cadre de l’enquête sur ces attaques. Ce type était assis juste à côté de Dan Coleman et n’avait pas le droit d’échanger des informations sur Ben Laden avec la personne qui, au FBI, avait travaillé depuis le plus longtemps là-dessus. Aussi ridicule qu’aberrant ! »
Cette idée de « mur » n’est pas pour déplaire à la CIA. Au nom de la protection « des sources et des méthodes », elle bâtit une autre muraille et refuse de communiquer au FBI des informations vitales pour ses propres enquêtes. Ce qui n’empêche pas le Bureau de jouer le jeu et de communiquer à l’Agence des informations cruciales comme, par exemple, l’existence au Yémen d’un véritable « standard de la terreur » dirigé par un responsable d’Al Qaida nommé Ahmed al-Hata, qui n’est autre que le gendre de Kahled al-Mihdhar, un des deux terroristes surveillés par la CIA. En juillet 2001, alors qu’il se trouve à San Diego, prêt à passer à l’action, Kahled al-Mihdhar appelle huit fois le numéro de son gendre pour parler à sa fille sur le point d’accoucher. La CIA ne transmet pas non plus cette information au FBI. Pourtant, le Bureau se sert des appels émis ou reçus par le « standard de la terreur » pour
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