FBI

peut ainsi réécrire l’histoire. Les communiqués du FBI indiquent que Dasch a été arrêté à New York. L’arrestation d’un saboteur nazi en plein Manhattan est quand même plus spectaculaire que la reddition d’une « balance » à Washington. Dasch est donc réexpédié séance tenante là d’où il vient. Un haut responsable du « Siège du Gouvernement » téléphone au bureau de New York pour transférer le saboteur en chef.
    La jeune recrue du FBI, Jack Danahy, se trouve dans le bureau de l’Agent spécial quand ce dernier prend l’appel.
    « J’ai demandé à mon superviseur de me répéter le nom, raconte Jack Danahy. Je lui ai dit : “Vous n’allez pas le croire, mais je crois bien que je connais le bonhomme. Avant guerre, il était serveur au bar de Barney O’Riley’s, 204 e Rue, Bainbridge Avenue3. La cuisine était bonne, mais si on demandait un sandwich au pain blanc, le type nous disait : c’est deux cents de plus. Avec le pourboire, il se faisait dix cents par sandwich. Manière comme une autre de grossir ses pourboires. Alors on l’avait surnommé Dix cents de plus .” »
    Quelques heures plus tard, Danahy fait face à Dasch et lui dit :
    « Salut, Dix cents de plus  ! C’est bien toi…
    – Yeah », lui répond le saboteur de l’Abwehr.
    Danahy ne quitte plus Dasch : « On le surveillait tout le temps, se souvient-il. Contrairement à d’autres agents doubles, on ne l’a pas relâché. C’était potentiellement un témoin important. On craignait qu’il ne soit exécuté par des agents dont on n’aurait pas entendu parler. »
    Plus que les tueurs nazis, J. Edgar Hoover redoute surtout que la vérité sur les conditions de l’arrestation des huit saboteurs nazis n’éclate au grand jour !
    George Dasch pense pouvoir s’en tirer. Après tout, ne s’est-il pas rendu de son plein gré, et n’a-t-il pas dénoncé tous ses camarades ? Voilà qui mérite bien une récompense. Il en parle à son agent traitant, mais Jack Danahy, avec ses quelques mois d’activité au sein du Bureau, ne lui est d’aucune utilité. Dasch ignore que, pour l’opinion, son sort et celui de Burger ne peuvent qu’être scellés à celui des autres « saboteurs ». En réécrivant l’histoire, le FBI a effacé la contribution de Dasch et de Burger. Pas de reddition, pas de deal  ! La justice est aveugle, elle ne récompensera pas les transfuges. Le président Roosevelt a décidé de faire un exemple, d’adresser un message fort à l’Allemagne nazie et à sa propre opinion publique : les huit saboteurs sont condamnés à mort.
    Dans les couloirs du tribunal, lors d’une suspension d’audience, Dasch apostrophe le chef du FBI : « Vous n’avez pas honte, monsieur Hoover ? » Un Agent spécial gifle violemment le chef de « Pastorius ». Par la suite, le G-man dira avoir vu son chef s’éloigner entouré d’« une aura de justice et de force ».
    Sur pression du FBI, les condamnations de George Dasch et de son compagnon de « défection », Ernst Burger, sont néanmoins commuées en trente ans de prison. Les six autres saboteurs, eux, n’échappent pas à la chaise électrique : ils sont exécutés le 8 août 1942 à la prison du district de Columbia. L’opération « Pastorius » est la seule tentative de sabotage nazi sur le territoire américain. De 1941 à 1945, le FBI aura reçu plus de 16 000 alertes, dont pas une n’était fondée.
    Jack Danahy n’en a pas pour autant fini avec Dasch. En 1946, celui-ci est détenu à Atlanta quand éclate une mutinerie. Danahy se renseigne : le saboteur est à l’isolement. Si les mutins pénètrent dans le quartier de haute sécurité, il est plus que probable qu’ils se saisiront de Dasch, et Danahy ne donne alors pas cher de sa peau. Dans les prisons américaines, la vie d’un saboteur allemand vaut moins que celle d’un pédophile ou d’un violeur. Danahy fonce à Atlanta rejoindre les agents du FBI mobilisés pour mettre fin à la mutinerie. Après l’assaut, il entre dans les cuisines et tombe sur une scène terrifiante. Des mutins se sont emparés de Dasch. « Ils l’avaient déshabillé et avaient placé ses parties génitales sur une planche afin de les découper avec un couteau de boucher, raconte Danahy. Ils n’avaient pas eu le temps de passer à l’acte, et Dasch s’était évanoui. »
    Quand il recouvre ses esprits, l’ancien saboteur découvre son sauveur : « Monsieur Jack !