FBI
Estill est au cœur de la forêt vierge, dans une zone accessible à dos de mule, après un voyage éprouvant. Un œil sur les trafiquants nazis, l’autre sur le gouvernement équatorien, ses réseaux lui permettent de s’assurer qu’à Quito le cœur de l’allié bat toujours pour l’Oncle Sam.
Trois mois après son arrivée, le G-man a installé des systèmes de protection des expéditions de quinine à destination des États-Unis. Il débarque alors à Guayaquil pour traquer les trafiquants qui alimentent l’Allemagne nazie en un métal qui fait cruellement défaut à son industrie de guerre : le platine. « Le platine était indispensable au système de repérage des bombardiers et des chasseurs allemands, explique Wallace Estill. Les nazis en avaient autant besoin que nous de la quinine. Le cours du platine était fixé à 40 dollars l’once, les nazis le payaient aux trafiquants dans les 600 dollars en Argentine. Le platine était acheminé par bateaux jusqu’en Espagne, pays neutre, avant de rejoindre l’Allemagne, via la France. »
Guayaquil est alors une des plaques tournantes du trafic. Le « métal noble » provient des mines colombiennes et passe par Guayaquil avant de gagner l’Argentine. Le platine se présente sous forme de poudre pressée dans de petits rouleaux cousus dans la doublure des vêtements des trafiquants. « À l’époque, il n’y avait pas de détecteurs de métaux, rappelle Wallace Estill. Mais j’avais mes réseaux d’informateurs ; j’arrivais à identifier les chargements en provenance de Colombie et à obtenir leur saisie par la police locale. »
Mais les carabineros arrondissent leurs fins de mois en revendant aux contrebandiers le platine saisi. Les Américains font pression sur le gouvernement équatorien et parviennent rapidement à un compromis : les saisies de platine seront entreposées dans les locaux de l’ambassade américaine en attendant d’être restituées au gouvernement équatorien.
Les aventures de Wallace Estill dans l’Amérique latine en proie aux réseaux nazis se poursuivent avec sa mutation en Uruguay au début de 1944. « Si l’on considère l’état des transports à l’époque, explique Wallace Estill, quand j’étais à Guayaquil, j’étais paradoxalement plus près de Chattanooga, Tennessee, où j’avais fait mes études, que de Montevideo, où je devais me rendre. » La capitale uruguayenne est alors un nid d’espions nazis. Au large, on pouvait voir les restes du cuirassé de poche allemand Graf Spee , sabordé le 13 décembre 1939 par son équipage, à l’issue de la bataille du Rio de la Plata, premier affrontement naval d’importance de la Seconde Guerre mondiale. Wallace Estill est chargé de surveiller les équipages allemands qui hantent Montevideo dans l’attente d’une improbable extradition. Son meilleur informateur est la petite amie d’un des marins du Graf Spee .
Son plus grand succès consiste à truffer de micros une ambassade latino-américaine. Laquelle ? Wallace Estill fait la moue : « Vous ne racontez pas comment vous avez placé des micros dans une ambassade étrangère, même soixante ans plus tard ! » Par recoupement, on peut néanmoins déduire qu’il s’agit de l’ambassade du Brésil, pays où l’influence des sympathisants pronazis inquiète fort les Américains. Les informations recueillies par l’agent du FBI figurent dans un Livre blanc remis au gouvernement brésilien par le Département d’État américain.
Régulièrement, Estill se rend dans une bijouterie de Montevideo qui sert de relais financier au plus important réseau d’agents nazis jamais implanté aux États-Unis. Sa mission est d’y récupérer des fonds nazis et de faire en sorte qu’ils soient acheminés aux États-Unis. Pour une raison qui lui échappe, le bijoutier lui remet toujours les sommes en pesos uruguayens. Après les avoir convertis en dollars, il les expédie à New York par la valise diplomatique, à l’attention de l’antenne locale du FBI. À l’autre bout de la chaîne, une organisation d’agents de l’Abwehr retournée par le FBI et contrôlée entre autres par Jack Danahy, entré dans la carrière d’agent spécial par la grande porte, grâce à l’opération « Pastorius ».
Opération « Bodyguard »
À New York, Jack Danahy fait en effet partie d’une équipe spéciale chargée des missions les plus délicates : la « Section des dossiers
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