FBI

importants ». Cette désignation qui dit tout ne manque pas de susciter l’ire de Hoover, à l’occasion d’une virée à New York avec son fidèle Tolson : « Changez-moi ce nom ! aurait-il rugi. Au FBI, tous les dossiers sont importants ! » Depuis lors, toutes les sections du bureau de New York portent un simple numéro. Celle de Danahy est donc rebaptisée Section-1.
    Son territoire : Harlem. « À l’époque, Harlem était différent. On travaillait tout seul. Maintenant, les agents ne s’y aventurent que par deux. Jusqu’aux émeutes des années 1960, on n’a jamais eu de problèmes à Harlem… » À l’automne 1943, Jack Danahy tombe sur une grosse affaire : José Laradegotia, marin espagnol d’origine basque qui travaille pour l’Abwehr. « Balancé » par un agent double de l’ONI (les services de la marine américaine), il ne se fait pas prier pour passer du côté du FBI et devenir agent double à son tour.
    Le FBI contrôle alors déjà trois ou quatre « doubles », dont certains depuis le début de la guerre6. Il dispose des radios et des codes de l’Abwehr. Mais il n’est pas question que les agents doubles communiquent directement avec leur ancien employeur. Le risque est trop grand de les voir trahir à nouveau. Ils sont remplacés par les meilleurs opérateurs radio du Bureau. Les émissions sont faites en morse. Chaque opérateur a une manière bien à lui et très identifiable de frapper les messages en morse : dans le jargon, on appelle ça une signature. Les opérateurs du FBI n’ont pas leur pareil pour imiter les « signatures ». Les appareils et les codes sont rassemblés dans un appartement de Wading River, à Long Island, d’où les « faussaires » du FBI envoient en Allemagne des messages soigneusement rédigés par les services secrets de l’armée américaine.
    Selon Jack Danahy, le FBI prend ainsi part à l’opération « Bodyguard », destinée à protéger le débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie, en envoyant à l’Abwehr un message annonçant que les troupes américaines de la base de Brooklyn se préparent pour un débarquement en Europe, équipées d’épais vêtements afin de faire face à un hiver de type scandinave.
    Les Allemands financent ainsi eux-mêmes la désinformation dont ils sont les victimes. Les « doubles » du FBI sont en effet régulièrement payés par les réseaux nazis en Amérique latine. L’argent ? C’est celui que Wallace Estill récupère dans la bijouterie de Montevideo. Ne voulant rien laisser au hasard, le FBI a noyauté l’organisation nazie jusqu’au cœur du cône Sud.
    José Laradegotia n’est pas un agent double facile à gérer. Il aime trop les femmes et saute sur le moindre jupon. Sa logeuse se plaint régulièrement auprès de Danahy du tourbillon de conquêtes féminines qui déferle sur sa demeure.
    À la fin de la guerre, après avoir reçu une médaille, le Basque se sera acheté un ranch dans le Montana, il aura pris femme et fait fortune. Il est mort sans que personne ait jamais rien su de son histoire.
    Un agent double nommé Dieudonné Costes
     
    Depuis le 24 juin 1940, Earl J. Connolly est le directeur adjoint chargé des grands dossiers du FBI. Connolly est déjà une légende. Il est sans doute le seul responsable du Bureau à avoir le droit de sélectionner ses affaires et de s’emparer de n’importe quel dossier. Depuis le début de la guerre, il supervise toutes les grandes affaires d’espionnage traitées par le Bureau, avec son assistant, l’Agent spécial Robert Maheu, dit Bob.
    Début 1942, Earl J. Connolly et Robert Maheu sont à Miami pour cueillir à sa descente de bateau un agent secret bien particulier, un des as de l’aviation française, Dieudonné Costes. Célèbre pour sa première traversée de l’Atlantique Sud sans escale en 1927, Costes est entré dans l’histoire après avoir effectué, en compagnie de Maurice Bellonte, en 1930, la première traversée de l’Atlantique Nord, d’est en ouest, sans escale, en 37 heures et 18 minutes de vol à bord d’un Breguet. Cet exploit lui vaut le surnom de « Lindbergh français ».
    Début 1942, Dieudonné Costes, administrateur de la société Hispano à Paris, est recruté par les services secrets allemands. L’aviateur est envoyé suivre un stage dans une école de l’Abwehr, à Hambourg, où il apprend les rudiments du métier d’espion. Au bout de quelques semaines, les Allemands lui