FBI
planète ! Judith Campbell Exner ne prend aucune précaution. Elle appelle le Président à la Maison-Blanche depuis le domicile de Sam Giancana. Surtout les week-ends. Les bandes magnétiques et les transcriptions finissent dans un coffre du FBI. Elles ne sont pas près d’en sortir.
Pour Cartha DeLoach, l’affaire Judith Campbell Exner évoque de pénibles souvenirs. Ceux d’une époque pas si lointaine où il arpentait les coulisses de Washington en se bouchant le nez. Quand a-t-il entendu parler de la jeune femme pour la première fois ? Fin 1961, début 1962. DeLoach n’est pas très sûr de la date. En revanche, il se rappelle les comptes rendus d’écoutes de conversations avec la Maison-Blanche. Il n’est pas près non plus d’oublier sa consternation quand il a découvert que le nom de la jeune femme figurait sur la liste des appels reçus par la Maison-Blanche. DeLoach se souvient d’avoir noté qu’elle a appelé à quatre reprises le poste de la secrétaire particulière du Président. Il en informe alors J. Edgar Hoover.
« Monsieur Hoover était un homme vieux jeu, explique Cartha DeLoach. Il croyait dans des valeurs comme la fidélité, la famille. Cette histoire l’embarrassait au plus haut point. » Mais que fait Hoover de toutes ces informations crapoteuses sur les connexions entre John Fitzgerald Kennedy et le plus redoutable des parrains de la Mafia ? S’en sert-il à des fins de chantage, comme d’aucuns l’ont laissé entendre ? Il est bien trop malin pour cela. Le 27 février 1962, J. Edgar Hoover prévient Bobby Kennedy qu’il est au courant de la liaison entre le Président et Judith Campbell Exner. Il le fait de manière subtile, en lui envoyant un mémo pour l’avertir qu’une personne « en contact avec Johnny Roselli et Sam Giancana » téléphone régulièrement à la secrétaire du président Kennedy sans que l’on sache de quoi il est question dans leurs conversations.
« Ensuite, Bobby est allé voir le Président, poursuit Cartha DeLoach. Il lui a dit : “Arrête tes conneries. J. Edgar est au courant. Et Dieu sait qui d’autre encore…” » Hoover a choisi à dessein le moment de passer à l’attaque. Il savait que Bobby Kennedy rêvait de le voir partir. Et si le Président ne peut pousser dehors le directeur du FBI, le temps, lui, s’en chargera : en 1965, J. Edgar Hoover aura soixante-dix ans, et la loi l’obligera alors à se retirer. Dans ce contexte, la démarche de Hoover ressemble fort à du chantage. Le Président comprend le message que lui adresse le retors directeur du FBI. Quelque temps plus tard, quand on lui demande s’il compte s’en débarrasser, le trente-cinquième président des États-Unis répond en riant : « On ne licencie pas Dieu ! » J. Edgar Hoover pousse un soupir de soulagement. Il est sûr de rester à son poste… tant que le président Kennedy vivra.
Prudent, John F. Kennedy renonce à Judith Campbell Exner et évite autant que possible de s’afficher avec les amis et associés de Sam Giancana, à commencer par Frank Sinatra20. Bientôt, la crise des missiles de Cuba (du 16 au 28 octobre 1962) va l’occuper à temps plein. Avec une planète au bord d’un conflit nucléaire, la criminalité organisée est reléguée au second plan des préoccupations du gouvernement américain.
John F. Kennedy a tort : la Mafia ne va pas tarder à se rappeler à son bon souvenir.
Le FBI et Joe Valachi
En cette fin de 1962, Jack Danahy a rang de contrôleur au bureau de New York et s’occupe de contre-espionnage. Un de ses collègues lui tend un rapport. Pour la troisième fois de sa carrière, il éprouve une curieuse impression de déjà vu, comme dans l’affaire du saboteur nazi George Dash ou dans celle de l’agent communiste présumé William Walter Remington. Une nouvelle fois, Jack Danahy connaît la personne qui fait l’objet de toute l’attention du FBI.
C’est le propriétaire d’un bar-restaurant italien, le Castle Hill, avenue du Bronx, qui avait été la cantine de Jack Danahy et de sa femme. « On n’habitait pas loin, se souvient Danahy, et on avait pris l’habitude de s’y retrouver, tous les soirs ou presque. » Le propriétaire est un homme jovial qui se joignait régulièrement à eux pour deviser de tout et de rien. Quand Danahy arrivait avant son épouse, il s’asseyait au bar et, en sirotant son verre, regardait la salle ou discutait avec le patron, juché sur son
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