Fidel Castro une vie
proche du président Ydigoras Fuentes. Une piste d’aviation y est opérationnelle à la fin de l’été.
Étonnant : la mise sur pied d’une force paramilitaire pour de « futures actions de guérilla » va glisser vers la création d’une « brigade de combat ». Quiconque s’intéresse au phénomène de prise de décision dans les sociétés démocratiques peut apprendre d’une étude de ce cas. Le mode de travail inhérent à une grosse institution a joué : beaucoup de « micro-décisions » étaient prises lors de réunions informelles, sans comptes rendus. Et, de fait, l’opération a évolué insensiblement, par le seul vouloir de Bissell, à qui ses succès antérieurs assuraient la confiance du milieu. Le pouvoir politique, enfin, n’a pas exercé son rôle, soit qu’il y accordât une attention distraite, comme Eisenhower, ou hystérique comme Nixon, ouencore qu’il se sentît engagé par les décisions prises, comme Kennedy…
Il n’y a pas de « trêve des confiseurs » à Cuba dans la nuit de la Saint-Sylvestre 1960-1961. Le gouvernement décide sa deuxième mobilisation générale en deux mois. L’après-midi du 31 décembre, le grand magasin La Época a flambé. Des bruits ont couru de parachutages dans l’Escambray. Cuba va vivre les trois premières semaines de 1961 sous les armes puisque Castro est persuadé que, avant de remettre le pouvoir, le 20 janvier, à Kennedy, Eisenhower attaquera. Il annonce la mobilisation sur les coups de minuit devant dix mille instituteurs rassemblés pour l’inauguration de « l’Année de l’éducation ». Car, après 1959 – « la Libération » – et 1960 – « la Réforme agraire » –, l’an III a été baptisé d’après ce qui devrait être la tâche principale de 1961 : l’alphabétisation, par des « brigades de volontaires », de centaines de milliers de citoyens. Devant ces soldats du nouveau devoir révolutionnaire, Castro s’écrie : « Cuba vit des moments de grande tension et de péril. » Car certaines lignes du plan Dulles ont « fuité ». Le front de mer est interdit à la circulation et hérissé de batteries de canons pointées vers le large. Partout on creuse des tranchées. L’accès aux plages est interdit. Des miliciens fouillent les automobiles. Des soldats sont en faction devant les édifices publics. Ces scènes ne sont pas encore passées dans les mœurs : même Guevara semble trouver qu’on en fait trop. « Les journaux exagèrent lorsqu’ils commentent nos informations sur une attaque américaine », dit-il à la télévision. Castro vient d’annoncer la réduction de la représentation yankee au minimum compatible avec sa survie. Est-ce l’invasion, après qu’Eisenhower a taillé la corde le 3 janvier ? Non. Le 20, Kennedy prête serment, et Che d’annoncer : « Le danger d’une invasion a baissé. » Pour Castro, « la parole est à la nouvelle administration ».
Fidel a-t-il cru aux bonnes intentions du nouveau chef de l’État ? Il est inquiet, en tout cas : le 10 janvier, le
New York Times
a révélé, à sa une, sous la signature de son envoyé spécial Paul Kennedy, certains détails sur l’entraînement des anticastristes au Guatemala. La guérilla de l’Escambray a, en outre, atteint une phase dure, et nul ne sait que c’est son point culminant.Le terrorisme urbain est à son apogée. L’opposition de l’Église se fait véhémente. Et Castro craint de nouvelles ruptures diplomatiques latino-américaines. Tout cela, certes, ne l’abat point. Mais, comme cela lui arrive lorsque tout se ligue contre lui, il ferait bien une petite pause.
Or, Kennedy ne remplit pas les espoirs de Castro. Dès le 1 er février, lors de sa seconde conférence de presse, il indique que l’internement, par Cuba, et pour trente ans, de six citoyens américains, ne facilitera pas les relations. Et il n’interrompt pas les préparatifs au Guatemala. Le 11, Fidel dénonce « l’attitude agressive et provocatrice » du président. La rupture est consommée avec le deuxième chef d’État américain de l’ère Castro.
Cependant, les premières difficultés économiques sont perceptibles dès 1961. La désorganisation des campagnes consécutives à la réforme agraire provoque une pénurie. Laquelle se poursuivra une partie des années 1960, anticipant les restrictions des années 1980 et la terrible régression de la « période spéciale », après la disparition de l’Union soviétique. Mais il est vrai
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