Fidel Castro une vie
inspecter la principale base de l’île, San Antonio, à vingt kilomètres à l’ouest de la capitale. Il a recommandé d’éparpiller les avions, en cas d’attaque, et fait regrouper des engins hors service comme appeaux.
Armés chacun de deux mitrailleuses de 50 millimètres, les T-33 vont, durant les deux journées chaudes de l’invasion, assurer la police du ciel face aux B-26 des envahisseurs, trois fois plus lents. Un des héros de l’aventure sera le jeune pilote Rafael del Pino. Sa bravoure lui vaudra de gravir tous les échelons jusqu’à vite devenir chef d’état-major de l’armée de l’air.
Cependant, l’attaque des B-26 anticastristes contre le terrain de Libertad (ex-Columbia) a fait sauter un dépôt de munitions. Le camp étant situé au cœur d’un quartier résidentiel, sept personnes ont trouvé la mort. Le 16 avril, Fidel conduit les obsèques. Il compare cette attaque à celle des Japonais contre Pearl Harbour, en 1941. Il disqualifie la version d’une attaque conduite par des déserteurs cubains, que présente au conseil de sécurité de l’ONU le représentant de Washington, Adlai Stevenson.
Le
Lider
réserve sa plus grosse surprise pour la fin de la cérémonie : « La Révolution cubaine est socialiste », annonce-t-il. Et de galvaniser les troupes par une exhortation demeurée fameuse : « Cette révolution des humbles, par les humbles et pour les humbles, nous jurons de la défendre jusqu’à la dernière goutte de notre sang. » L’explication de la révélation par Fidel du caractère socialiste de sa Révolution est simple : à la veille, il le sait, d’une attaque majeure contre son régime, il doit s’assurer du concours maximal du camp socialiste. Sa victoire fulgurante contre la Brigade 2506 n’a pas laissé au Kremlin le temps de se poser de cas de conscience. Mais, de fait, l’Union soviétique va, sitôt après, accélérer ses livraisons de matériel.
La première action du
Lider
est de faire arrêter, par le chef de la police, Ameijeiras (un des premiers paysans ralliés de la Maestra), tous les suspects d’opposition, voire de tiédeur.Environ cent mille personnes sont interpellées durant le week-end – la plus gigantesque rafle de l’histoire des Amériques. Les listes ont été dressées par les CDR. Les prisons, les commissariats, les casernes ne suffisent pas : des stades feront l’affaire. Le
Lider
admettra plus tard que « des injustices ont été commises ». Les catholiques, dont le clergé, sont spécifiquement visés ; les évêques eux-mêmes sont mis aux arrêts domiciliaires ; le vieux cardinal Arteaga, lui, s’est réfugié dans une ambassade. L’ex-ministre de l’Agriculture Sorí-Marín est fusillé le 18 avril.
L’alerte est maximale dans tout Cuba à partir du 15 avril. Il n’est donc pas surprenant que le débarquement « paisible et nocturne » souhaité par Kennedy soit connu de Castro trois heures après l’arrivée du premier canot pneumatique. Cinq cargos appartenant à un Cubain anticastriste, Eduardo García, et loués par la CIA, ont, sous escorte de la
Navy
, embarqué les mille cinq cents hommes de la Brigade 2506 à Puerto Cabezas, au nord-ouest du Nicaragua, pour les mener à l’entrée de la baie des Cochons. Là, des chalands débarqués d’un bateau-gigogne ont conduit les hommes vers les plages choisies : la « bleue » (Playa Girón), à l’entrée, et la « rouge » (Playa Larga) au fond. Des miliciens castristes sont en faction à Girón. Les rescapés du premier choc donnent l’alerte. Ainsi Castro est-il aussitôt contacté au « Point-Un », son PC secret au cœur de La Havane relié à ses commandants de secteur : Che pour l’ouest, Raúl pour l’est et Almeida pour le centre (Fidel s’est réservé la capitale). De la conférence de presse de Kennedy, il a compris que l’invasion ne sera pas le fait de forces américaines, ce qui est rassurant. La question centrale devient alors : les « mercenaires » de Girón sont-ils l’élément principal ou une diversion ? Fidel a la réponse lorsque, peu après l’aube du 17, des B-26 partis du Nicaragua larguent des paras en arrière de la baie : leur mission est de s’assurer le contrôle des routes conduisant aux plages pour empêcher l’arrivée de renforts castristes.
Dès lors, Fidel a une obsession : empêcher la tête de pont de se consolider. Il est capital pour lui de prévenir le débarquement dans l’île du « Conseil » de Miró
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