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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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de l’aérodrome de Vallegrande, dans l’est de la Bolivie, permettront de retrouver les restes du guérillero et de plusieurs de ses compagnons, qui seront transférés en grande pompe audit mausolée de Santa Clara. Il est loisible de penser que, en focalisant ce culte sur son ex-compagnon, Castro ait entendu en éloigner de lui la tentation.
    La malheureuse équipée bolivienne du Che aura marqué le point culminant de l’offensive castriste en direction de l’Amérique latine. Car l’objectif n’était pas seulement de créer un foyer de guérilla dans l’un des pays du sous-continent – fût-ce en cette plaque tournante qu’est la Bolivie, ou plus tard en Argentine, patrie du Che. La qualité des participants (presque tous des cadres politiques, cubains, boliviens, péruviens, argentins) suggère qu’il s’agissait (Guevara le confirme dans son
Journal
) « d’une opération à objectif continental ». La ferme QG de Nancahuazu était en fait une école internationale de révolution. C’est la découverte prématurée, en mars 1967, de la petite troupe par l’armée bolivienne qui a bouleversé le plan. Car le groupe perdra, dès lors, l’initiative, et sa seule préoccupation, du printemps à l’automne, sera de semer ses poursuivants puis d’échapper à leur étau.
    Le Che lui-même avait analysé, dans son message à la Tricontinentale, l’une des difficultés de l’entreprise : l’ennemi, après sa méprise cubaine, est désormais « en alerte ». Le Pentagone annoncera, alors que les
rangers
boliviens entraînés par les « bérets verts » serrent déjà de près la petite troupe, que les Forces spéciales américaines sont présentes dans dix-sept pays du continent. Si la victoire de Castro en 1958 avait été facilitée, quoi qu’il en dise, par le climat de bienveillance pour sa cause aux États-Unis, cette fois « l’impérialisme yankee » et ses « amis oligarques » du sous-continent entendent ne pas être surpris. De fait, aucune révolution latino-américaine ne triomphera plus jusqu’à celle du Nicaragua, en 1979.
    La déroute du Che marque un tournant. Elle permet à l’Union soviétique d’accentuer sa pression sur Cuba en vue d’un retour à une politique moins antagoniste envers les partis communistes
latinos
, et moins irritante pour elle. Et Castro sait n’avoir aucune marge. Déjà dans son discours du 28 septembre devant les CDR, il avait annoncé un rationnement de l’essence : une nouveauté dans la panoplie, fournie cependant, des restrictions. C’est que les négociations en vue du renouvellement des accords économiques ont commencé et le Kremlin veut montrer que la bienveillance a ses limites. L’une des chansons à succès du moment en Union soviétique a beau s’intituler « Cuba mon amour », les bons sentiments ne sont plus de mise.Brejnev, après Khrouchtchev, commence à connaître « son » Castro : il sait qu’avec lui un rapport de force ne messied point – à condition de n’être pas proclamé, pour ne pas blesser la dignité du
Lider.
C’est donc dans le secret de négociations que va se jouer la partie décisive.
    Le Kremlin ne néglige pas la carotte. Il flatte l’ego de Castro en annonçant que l’Union soviétique fournira un réacteur nucléaire. Compte tenu de la passion de Castro pour l’avant-garde de la technologie (atomique notamment, proclamée dès
L’Histoire m’absoudra
, en 1953), l’offre est bien ajustée. Mais aussi le bâton ! La
Pravda
publie des réquisitoires contre la politique cubaine en Amérique latine. Ils sont signés de prestigieuses personnalités communistes du sous-continent : l’Argentin Rodolfo Ghioldi, et surtout Luis Corvalán, secrétaire du Parti communiste chilien. L’activisme castriste, non nommé mais désigné de façon transparente, y est décrit comme empreint de « tendances maoïstes, trotskistes et anarchistes », elles-mêmes fondées sur le « nationalisme petit-bourgeois » et débouchant sur l’« aventurisme ». Ce qu’on peut imaginer de pire ! Selon Corvalán, les luttes armées improvisées font perdre « des vies précieuses » et se traduisent
in fine
par des « reculs ». Castro réplique, à son ordinaire quand il est attaqué publiquement, par la provocation. Invité à Moscou aux fêtes marquant le 50 e anniversaire de la révolution de 1917, il confie la direction de la délégation à un ministre. Ce sera la dernière manifestation « diplomatique » d’une

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