Fidel Castro une vie
observateurs viêtnamiens, tout d’abord, sont venus nombreux. Ils seront fêtés comme il convient à des combattants de plus de vingt années. Une autre vedette est le Noir américain Stokely Carmichael, leader du Comité de coordination des étudiants non violents. En dépit de cette raison sociale rassurante, il appelle à « créer cinquante Viêtnam aux États-Unis » : des émeutes sanglantes sont, il est vrai, en cours à Detroit, après celles, prémonitoires, de 1965 à Watts (Los Ángeles). Les Cubains font encore élire Guevara « président d’honneur » de la conférence. La présidence active est confiée à une femme : Haydée Santamaría, l’ancienne de la Moncada. Alors que la rencontre bat son plein et qu’Arismendi, élu vice-président, taille des croupières aux tenants de la « lutte armée » à tout prix, on présente aux journalistes six « contre-révolutionnaires » capturés durant leur débarquement. Ils confessent avoir été armés par la CIA. (On saura vite que l’un d’eux, au moins, est membre du G2, le service secret cubain.) Certains guérilleros sont représentés par leur épouse, comme Douglas Bravo. Des veuves de héros morts ont également été invitées, telle Jacqueline Lobatón, qui fut la compagne d’un chef de combattants péruviens – une
pasionaria
française dont l’éloquence impressionne.
La motion finale donne satisfaction à Fidel sans provoquer la rupture avec les « orthodoxes ». La « lutte armée » est déclarée le mode de combat « fondamental », quoique « non exclusif » (modeste victoire d’Arismendi), mais les autres modalités « ne doivent pas retarder la lutte armée ». Castro parvient à faire condamner l’aide soviétique aux gouvernements latino-américains« pro-impérialistes » mais Arismendi obtient que cette motion ne figure pas à l’acte final ! Et Cuba est désignée QG de l’Olas.
Cette manière de ménager la chèvre et le chou explique sans doute que l’Organisation n’aura qu’une brève postérité. Les communistes vénézuéliens qui ont
in absentia
fait les frais des plus dures attaques de Castro dans son discours de clôture le 8 août, qualifient l’Olas de « groupe infime, pseudo-révolutionnaire ». De fait, les effectifs étaient somme toute maigres, et les personnalités accourues peu considérables. « Nous savons maintenant, déclare encore le Comité central du PCV, que le chef du gouvernement cubain considère toute critique de sa personne comme une trahison. » À la vérité, Fidel lui-même, une fois obtenu tout ce grand battage, semble lever le pied. « Nous ne prétendons pas jouer au pays-guide », dit-il à K. S. Karol du
Nouvel Observateur
.
C’est que Castro, en contact avec la guérilla du Che, doit déjà savoir, comme il fait belle figure à l’Olas, que son ami est en situation désespérée. Car Guevara est cerné par les
rangers
boliviens aidés par la CIA, sans soutien du monde paysan environnant, entouré de quelques dizaines de compagnons au moral en berne. Son
Journal
est éclairant, surtout rapporté au triomphalisme ambiant. L’Argentin est même informé, par radio, que son aventure est jugée « pathétique et irresponsable » dans les pays de l’Est. Il est sûr que le Parti communiste bolivien, en accord avec Moscou, l’a peu soutenu. Fidel est donc l’un de ceux, rares, que ne peut pas étonner la nouvelle qui crépite sur les téléscripteurs dans la nuit du 9 au 10 octobre 1967 : selon l’état-major de l’armée bolivienne, Guevara a été tué au combat le dimanche 8 octobre à La Higuera, dans l’Oriente bolivien. C’est le 22 septembre que, aux ministres des Affaires étrangères réunis pour une session de l’OEA à Washington, celui de La Paz avait annoncé la présence du Che dans le pays. Ce qui apparaîtra vite, c’est que l’Argentin, capturé vivant, quoique blessé, à la sortie amont de la Quebrada del Yuro, a été exécuté. Et l’on a fait disparaître son corps pour éviter tout pèlerinage sur sa tombe. Le plus étonnant est que le ministre de l’Intérieur bolivien, Antonio Arguedas, était secrètement favorable à la cause ! C’est lui qui transmettra à Cuba la copie du
Journal de Bolivie
que lui ont confiée les forces armées et qui sera publiée dansl’île l’année suivante. Il n’est pas impossible que des transmissions entre Fidel et « Che » aient transité par ce canal. Un appui qui avait d’évidence contribué à
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