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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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distance prise par Cuba envers l’Union soviétique – jusqu’à Gorbatchev, en 1985.
    Cependant, en matière d’économie et de société, Castro a conduit son pays, en 1967, du même pas irréel que dans le domaine international. « L’année du Viêtnam héroïque » est aussi celle de la marche vers la communisation forcée. Les lopins (
conucos
) que les paysans avaient réussi à garder pour leur autoconsommation ont été intégrés aux fermes d’État dès le 16 janvier. Et, en juin, le gouvernement annonce la gratuité de nouveaux services publics, après la santé et l’éducation. Un « panier de la ménagère », sorte de ration de survie à un prix modeste, est depuis longtemps à la disposition de tous par l’intermédiaire de la fameuse
libreta
, le carnet de rationnement.Le repas de midi est également fourni gratis sur tous les lieux de travail et d’études. Désormais, la gratuité sera étendue aux transports et cantines scolaires, aux jardins d’enfants, aux manifestations sportives et aux appels téléphoniques locaux. On annonce en outre une diminution de 40 % du coût de tous les transports urbains. On promet que, en 1970, les loyers seront gratuits. Enfin, cerise sur le gâteau, on supprime l’impôt sur les revenus.
    Aucune création de biens n’étant placée en face, il s’agit évidemment là de décisions purement politiques. L’objectif proclamé est une désacralisation de l’argent. Comme il sied à une société en marche vers le communisme, chacun doit pouvoir user des biens communs selon ses besoins. Or, l’État ne dispose certes pas d’une manne, même si la
zafra
1967, avec un peu plus de six millions de tonnes, est la meilleure depuis 1961. Certains s’extasient… en Europe. En réalité, la puissance publique vient de restreindre un peu plus la modeste marge de choix laissée à chacun d’utiliser à sa guise ce surcroît d’argent qu’il ne peut consacrer à améliorer l’ordinaire de sa nourriture ou à s’acheter des vêtements neufs puisque tout ceci est rationné. Cette phase de désacralisation de l’argent ne durera que trois ans, jusqu’à la mi-1970.
    La quintessence de la marche vers le communisme à étapes forcées aura été, en 1967, la décision de transformer l’île des Pins en « île de la Jeunesse ». Tous les volontaires de quinze à trente-cinq ans pourront s’y rendre pour mettre en valeur cette terre déshéritée et sous-peuplée. On leur promet qu’ils pourront y organiser leur gouvernement. Et, surtout, l’argent n’y aura plus cours. L’État s’engage à leur fournir gratis les services essentiels, le temps de parvenir à l’autarcie. Pour Fidel, c’est là le laboratoire de « l’homme nouveau » rêvé par le Che. Dans une société aux perspectives très canalisées, ce lieu « différent » a du succès. L’île double sa population en peu d’années. L’expérience de communisme intégral y a pourtant été vite abandonnée : la terre chère à R. L. Stevenson deviendra le lieu où Cuba accueillera ses milliers de boursiers africains.
    Il est stupéfiant de relire, le temps ayant passé, certains panégyriques écrits dans les années 1960 par des esprits par ailleurs respectés. L’envoyé spécial Claude Julien n’écrit-ilpas, par exemple, en 1967 : « Il y a deux ans, j’avais accueilli avec scepticisme la promesse que les œufs seraient en vente libre ; c’est pourtant chose faite depuis l’an dernier. » Des œufs en vente libre, à Cuba ! La moindre des choses ne serait-elle pas que la nourriture cesse d’être rationnée dans un pays d’une fertilité reconnue par tous les agronomes, où les plaines dominent, où la densité est idéale, soixante-quinze habitants au kilomètre carré, et où près de la moitié de la population travaille aux champs ? Pour que les œufs soient à nouveau rationnés (et d’autres choses avec), il faudra la nouvelle « offensive révolutionnaire » annoncée le 8 septembre devant les CDR par le
Lider
: la collectivisation, qui sera mise en œuvre le 13 mars 1968, des services et du petit commerce.
    Le Congrès culturel anti-impérialiste, du 4 au 11 janvier 1968, attire de nombreux Européens de l’Ouest : sur quatre cent soixante-dix délégués, il y a, par exemple, soixante Français – contre neuf Soviétiques. Sartre s’est décommandé au dernier moment, pour raisons de santé. Mais la palette n’en demeure pas moins riche des écrivains,

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