Fidel Castro une vie
Nancahuazu. Il s’apprêtait à assurer une liaison avec Castro : Guevara note en effet, après l’arrestation, que « les communications sont coupées aussi avec Cuba (Danton) ». Mais
Granma
va nier que Castro ait été au courant de la présence de Debray en Bolivie… Le jeune homme sera condamné, le 2 novembre suivant, à trente années de prison.
Cependant, l’exaltation de la guérilla ne connaît pas de trêve à La Havane comme approche la conférence latino-américaine de solidarité (Olas). Le slogan du moment est : « Le devoir de tout révolutionnaire est de faire la révolution. » La publication, le 16 avril, par la revue
Tricontinental
, du message du Che pour créer « le second ou le troisième Viêtnam du monde » suscite l’enthousiasme. Le 1 er mai 1967, Almeida, qui remplace à la tête des armées Raúl, en stage à l’Académie Frounzé de Moscou, adresse le salut des militaires cubains à Guevara. Le même jour, Radio Havane intensifie sa propagande vers l’Amérique du Sud : « De nouveaux Viêtnam sont en train de surgir », répètent les puissants émetteurs entre deux messages en espagnol, quechua, aymara, ou guarani.
Castro en arrive, à la veille de la réunion de l’Olas, à déserter le minimum de prudence observé jusque-là sur le thème del’aide aux révolutionnaires. Réuni pour la première fois depuis sa création, le 1 er octobre 1965, le Comité central du PCC proclame, le 18 mai 1967, sa « solidarité » avec trois Cubains capturés six jours plus tôt lors d’un débarquement au Venezuela : « On nous accuse d’aider les mouvements révolutionnaires. Eh bien ! oui, nous avons aidé et aiderons où que ce soit dans le monde les mouvements en lutte contre l’impérialisme. »
Le 26 juin 1967, le Premier ministre soviétique, Kossyguine, qui vient de rencontrer le président américain Johnson à Glassboro, quelques jours après la « guerre des Six jours » au Proche-Orient, reçoit à La Havane un accueil glacial. Castro est prêt à admettre que la « coexistence pacifique » s’impose aux Grands. Mais cette politique ne saurait concerner les « régions périphériques du monde capitaliste ». Fidel, dès lors, réclame que les partis communistes latino-américains n’entravent pas son soutien à la lutte armée. Il demande aussi à son interlocuteur comment il est possible que son pays aide des « gouvernements qui répriment le mouvement révolutionnaire et sont complices du blocus américain contre Cuba » : une allusion transparente à l’aide des Soviétiques au Venezuela et à la Colombie.
Granma
, en quatre jours, ne publie que dix-huit lignes sur les activités de Kossyguine à Cuba ! Et, le 26 juillet, Castro annonce au peuple que le pays doit être prêt, à l’avenir, à affronter « seul » les défis militaires ou économiques : Kossyguine aurait-il, pour la première fois, menacé ?
La conférence de l’Organisation latino-américaine de solidarité s’ouvre le 31 juillet. C’est un moment immense pour Castro. Des délégations sont venues de tout le sous-continent. À la différence de la Tricontinentale de 1966, où les partis communistes « tenaient » la scène, cette fois les mouvements gauchistes dominent. Certains partis communistes (le vénézuélien, bien sûr, mais aussi le brésilien, l’argentin, l’équatorien) ne sont pas venus. Pour la Colombie et la Bolivie, la délégation guérillera est présente aux côtés des communistes. Les plus fêtés par les Cubains sont les Faln du Venezuela, les Farg du Guatemala et les Farc de Colombie. Mais les partis communistes « solides », tels ceux du Chili et d’Uruguay, ont décidé, eux, de faire face. En particulier est arrivé de Montevideo Rodney Arismendi, brillantesprit, tenu en haute estime à Moscou. C’est lui qui, au long de la conférence, négociera en coulisses afin d’éviter la rupture : l’Union soviétique ne veut pas être obligée de
choisir
entre Cuba et les « moscovites ». Mais, compte tenu du rapport des forces au Habana Libre, les « orthodoxes » devront avaler des couleuvres : « Si vous voulez partir, la porte de droite est ouverte », a pu ainsi déclarer Eugenio Fundora, de la délégation cubaine, à Arismendi. Mais en concédant le minimum, et en profitant du désir de Fidel d’aboutir à une « plate-forme continentale », les « orthodoxes » limitent les dégâts.
Les Cubains avaient tout fait pour impressionner les
Latinos
. Les
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