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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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insurge pas moins, le 13 mars, contre les « propagateurs de fausses rumeurs » qui insinuent que le gouvernement aurait l’intention de contingenter le pain partout dans le pays. « C’est ridicule, absurde », s’écrie-t-il. De fait, le pain ne sera rationné que le 13 mai suivant : 114 grammes par jour et par habitant.
    Heureusement, Castro annonce « le début de la prospérité » pour 1970. Toute l’île va donc se tendre vers ce mois de juillet 1970 qui doit marquer l’aboutissement de la « grande
zafra
des dix millions de tonnes ». C’est là le défi de Castro pour montrer aux frères de l’Est que les Cubains ne sont pas ce peuple
bailador
(adonné à la danse) qu’ils croient, selon une plaisanterie répercutée dans l’île. Les brigades de volontaires sont au travail six mois par an (« contre trois avant la Révolution », explique sans rire un thuriféraire). Ni primes aux meilleurs
macheteros
ni paiement d’heures supplémentaires : c’est la mise en jeu de « l’honneur de la Révolution » qui sertde stimulant. Plusieurs semaines par an, de 1968 à 1970, la capitale sera déserte : tous les Havanais auront pris la clé des champs. Parfois, le gouvernement s’installe en Oriente pour ne pas être en reste.
    Cependant, l’obligation des livraisons gratuites de la part des petits paysans propriétaires, ainsi que la nationalisation improvisée de 55 653 épiceries, vendeurs de rue et bars et autres « micro-activités » va achever, le 13 mars 1968, de désorganiser la distribution. C’est que Fidel a vu là un nid de « corruption » et de « parasitisme » : 95,1 % des vendeurs de
hot dogs
sont des « contre-révolutionnaires », a-t-il très sérieusement assuré. Moins de dix ans après le triomphe de la Révolution, il n’y a donc plus de secteur privé à Cuba. Fidel s’est ainsi porté à la tête du bloc socialiste. Seuls échappent à l’État 30 % des terres cultivables ; mais leurs (minuscules) propriétaires seront poussés à rejoindre des modes de production plus collectifs.
    Afin de pouvoir tenir le pari des dix millions de tonnes, le gouvernement a lancé un programme d’investissements de huit cents millions de dollars. Une partie de ces dépenses ne servira que pour la
zafra
1969-1970. Une autre aidera heureusement à la modernisation d’un appareil qui a pris un énorme retard ; elle sera la bienvenue lorsque l’île retrouvera quelque rationalité. K. S. Karol compare le modèle cubain des années 1960 – l’accumulation forcée reportant à l’avenir les aménités de la consommation – à celui de l’Union soviétique des années 1930. Comme sous Staline, il implique une ligne autoritaire – encore que non sanglante puisqu’il n’y a pas de
koulaks
.
    Pour assurer le maximum de chance de succès à la
zafra
« historique », le régime prend des mesures contre les « saboteurs ». Ce peuvent être seulement des Cubains ordinaires dont l’ardeur au travail aura paru insuffisante. Le 8 septembre 1968, Fidel a recommandé aux CDR une vigilance tous azimuts. C’est que « l’offensive révolutionnaire » du 13 mars contre le petit commerce rémanent a lâché dans la nature des hommes, jeunes ou non, désormais en instance de départ vers les États-Unis et d’évidence peu attachés au régime. La fermeture des bars, elle, a mis à la rue une jeunesse semblable à celles d’Europe de l’Est que Castro a fustigées dans son discours du 23 août.Des
beatniks
et autres
hippies
imprégnés des « modes yankee
s
» polluent le centre de La Havane. On murmure même que des jeunes filles se prostitueraient. Plus gravement, des incendies éclatent… « Pas un seul contre-révolutionnaire ne doit garder la tête sur les épaules », s’écrie le
Lider
. En conséquence, le gouvernement annonce, le 22 octobre, une campagne pour « décapiter toute résistance anticastriste ».
    Parallèlement, il lance une « offensive culturelle » dont le fer de lance est la revue des forces armées
Verde olivo
, supervisée par Raúl. Trois années durant, elle enthousiasmera des intellectuels à l’esprit de commissaire, toujours à l’affût d’une dénonciation. Elle consternera des communistes de vieille date ou non, recyclés par le régime mais demeurés amoureux de la liberté de pensée, tels Nicolas Guillén et Alejo Carpentier. Elle inquiétera ceux qui s’étaient, au fil des années 1960, arrangé une petite niche aux conditions définies par Fidel fin

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