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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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de la coupe et du raffinage. Castro ne néglige pas, comme à l’ordinaire, de charger les intempéries. Le bilan qu’il dresse est accablant : recul de la production de 23 % par rapport à 1969 pour le ciment, de 25 % pour le lait, de 38 % pour les barres d’acier. En matière d’engrais, le retard est de 32 % par rapport au Plan, et de 50 % pour les pneus. Il manque seize millions de mètres carrés de textile. Légumes, viande, pain, sucre, matières grasses, poissons doivent être rationnés. Et les cigares… « Le grand rêve de Castro vire au drame », observe
Le
Monde
.
    Fidel ne peut pas en rester là. Aussi promet-il seize millions de litres de rhum pour, tout ensemble, fêter Noël, le Carnaval et le 26-Juillet. Et il annonce « un dialogue avec la masse des travailleurs ». Il était temps. Car elle montre un peu la corde, la fameuse « démocratie pédagogique », qui consiste – selon la revue des jésuites français
Études
de juin 1968 – à « faire assimiler par les masses ce que l’on veut qu’elles veuillent ».
    Fidel avait une autre surprise pour le peuple, ce 26 juillet 1970. En acteur consommé, il réclame le silence au bout de trois heures de discours. Il annonce que l’ex-ministre bolivien de l’Intérieur à l’époque de la guérilla du Che, Arguedas, présent à la tribune, a apporté… les mains de Guevara. Il avait pu, en son temps, préserver et mettre en sûreté ce précieux souvenir du héros mort, autour duquel un mémorial va bientôt être élevé à Cuba. Qui ira donc songer encore à l’échec de la «
zafra
des dix millions de tonnes » ?

8
L A SOVIÉTISATION
 (
1970-1975
)
    Je ne suis ni pragmatique ni dogmatique, je suis dialectique. Rien n’est permanent, tout change.
    Fidel Castro, 9 novembre 1964
    La « fête cubaine », la « révolution romantique » avaient commencé par une redistribution de la richesse existante. Sur cette base, une quasi-égalité a été établie : les salaires moyens vont de un à trois et demi. La Sécurité sociale universelle a été instituée. L’éducation est obligatoire, et bien entendu gratuite, pour tous jusqu’à quinze ans. Les retraités ont vu leurs ressources tripler. Les campagnes ont comblé une notable partie de leur retard, par le biais notamment d’une amélioration des infrastructures, des services, du logement. La richesse insolente du petit nombre n’insulte plus les pauvres. Le chômage a disparu en 1970. Les étrangers ne font plus la loi dans les secteurs essentiels. Les dirigeants ne profitent qu’avec discrétion des avantages que le régime leur consent. La morte saison de cinq cent mille journaliers agricoles, jadis « carburant » de la Révolution, a disparu. Haïe ou adorée, Cuba n’est plus ce pays naguère considéré comme nul et non avenu. Tels sont les apports, considérables, du castrisme.
    On pourrait nuancer le tableau. Observer avec Édouard Bailby, du
Monde diplomatique
, que la médecine gratuite a ses limites : plutôt que de faire la queue à partir de 3 heures du matin pour une prise de sang, certains citoyens préfèrent payer dix pesos, soit dix dollars, à un de ces vieux médecins privés dits « historiques ». Remarquer avec Claude Julien, du
Monde
, que, certes « les rations sont plus consistantes qu’en France sous la Seconde Guerre mondiale », mais aussi avec Charles Vanhecke,du
Monde
également, que, si « nul n’est sous-alimenté, tout le monde est obsédé par la nourriture ». Admettre, avec tous, que l’instruction ne va pas sans endoctrinement, que l’égalité a été rétablie entre villes et campagne essentiellement par un recul des citadins. Craindre, avec Charles Bettelheim, ex-président de l’association France-Cuba, la naissance d’une « alfacratie » – la « nouvelle classe » des heureux propriétaires d’une Alfa Romeo. Constater, c’est le moins, que le trop-plein de main-d’œuvre a été régulé par le départ, en onze ans, vers les États-Unis, de six cent mille réfractaires. Observer enfin, cela s’impose, que l’affirmation de Cuba sur la scène internationale n’est pas allée sans une militarisation effrénée.
    Ce sont là, d’ailleurs, broutilles au regard d’un péché plus fondamental aux yeux de certains : la sérieuses limitation des libertés de tous et la privation, depuis une décennie, de la liberté tout court pour quiconque ne consonne pas avec Castro. Charles Rivière, retour d’une mission pour le

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