Fidel Castro une vie
bombardée par les chars de Pinochet, il vivra ses derniers instants. Avant ce drame, le Chilien aura le temps de rendre la visite : ilsera, fin 1972, le premier chef d’État latino-américain en exercice à parcourir la Cuba révolutionnaire. Au retour, le
Lider
, lui, fera escale à Lima pour s’entretenir avec son homologue péruvien, le général Velasco Alvarado, puis aussi à Guayaquil, pour une rencontre avec l’Équatorien Velasco Ibarra.
Au Chili, Fidel a subi « des insultes » (selon ses mots), par presse d’opposition interposée. Il n’y est pas habitué. Sans doute s’en trouve-t-il conforté dans une conviction innée qu’il ne faut jamais accepter un état d’infériorité. L’aide soviétique, telle est donc à présent sa bouée, son nord magnétique. Le 29 octobre 1971, Cuba a reçu ses premiers MiG-21, en remplacement des « vieux » MiG-15 et 17. Durant la première moitié des années 1970, Moscou travaillera, avec Raúl Castro comme metteur en ondes méthodique, à moderniser les forces armées révolutionnaires (FAR). L’armée cubaine du début des années 1960 était colossale : trois cent mille hommes, dix fois celle de Batista. Mais elle n’était certes pas du premier niveau. Seul un noyau était professionnel. Le reste était composé de miliciens, des semi-volontaires. Il s’agissait prioritairement de combattre les « bandits » de l’Escambray et leurs relais, les commandos débarqués sur les côtes du pays. Pour ce faire, le solide fusil FAL était idéal. Après 1965, le danger intérieur s’est émoussé. Et de même la crainte d’une action des États-Unis. Pourtant, on a gardé de gros bataillons : c’est l’époque où Cuba se voit seule contre tous, à peine assurée du soutien soviétique. Et les forces armées sont aussi devenues le cœur du travail volontaire : deux des trois années de service obligatoire, inauguré en 1964, sont désormais systématiquement consacrées à la « production » ; et les FAR ont encadré la mobilisation pour la grande
zafra
.
Mais l’amour des armes et la passion de l’action mêlés conduisent Fidel à vouloir un outil militaire plus « pointu ». Pour lui, il n’y a pas d’État de deuxième zone, et un bon appareil belliqueux est le premier attribut de la dignité de tout État. Quant à l’Union soviétique, elle est assurée, avec l’armée cubaine, de faire un bon placement, étant donné les qualités martiales démontrées par le castrisme. La décision de transformer les FAR a été prise, peut-on penser, fin 1969, lors de la visite de Gretchko, ministre de la Défense soviétique : un si puissant personnage nese déplace pas seulement pour couper la canne ! Les modalités de la modernisation seront mises au point au fil des discrets voyages que Raúl fait en Union soviétique chaque semestre.
Ainsi les FAR, fortes d’environ deux cent cinquante mille hommes vers la fin des années 1960, seront-elles ramenées au chiffre de cent vingt mille en 1974. (La réserve n’en reste pas moins l’objet de soins attentifs : elle peut atteindre, en quelques jours, les cinq cent mille.) Corrélativement, les FAR sont équipées – gratuitement, à en croire des allusions de Castro – du matériel en dotation dans les armées des pays de l’Est au début des années 1970. L’intervention en Angola (1975) conduira à une remontée sensible des effectifs : jusqu’à cent cinquante mille hommes selon les renseignements de l’époque, avec une réserve immédiate de cent mille.
Cela porte l’armée cubaine au niveau de celle du Canada – à peine dépassée, en Amérique latine, par celle du Brésil – mais mieux équipée qu’elle, pas loin derrière la Pologne dans le bloc socialiste. S’agissant des coûts, le budget militaire apparent était de cinq cents millions de
pesos
au début des années 1960. Ce chiffre a diminué vers 1970. Selon Jorge Domínguez, du Centre des affaires internationales de Harvard, un des fins connaisseurs de la réalité cubaine, ces dépenses auraient été ramenées à quatre cents millions vers 1975 puis seraient remontées à cinq cents millions avec l’Angola. Ces chiffres n’incluent pas les fournitures soviétiques gratuites, dont le montant annuel peut aussi être évalué, alors, à 500 millions de dollars. À partir de 1975 et jusqu’aux années 1990, l’armée cubaine sera un corps de bataille respecté bien au-delà du tiers-monde.
Les relations avec l’Union
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