Fidel Castro une vie
accord avait permis un pont aérien pour les candidats à l’exil. Les parties s’engagent à poursuivre les auteurs de détournements, également maritimes. En acceptant de réprimer les attentats à l’intégrité du territoire cubain, Washington signe la fin de débarquements contre-révolutionnaires.
Les États-Unis ne savent plus très bien où ils en sont à l’endroit de Cuba. Les libéraux font observer que, après l’historique visite de Nixon à Pékin début 1972 et la signature du traité Salt I le 26 mai suivant à Moscou, l’administration n’a plus de raison de laisser les relations avec La Havane en l’état. On spécule sur un voyage dans l’île du conseiller à la Défense puis secrétaire d’État Kissinger. Mais rien de tel ne surviendra sous Nixon.
C’est la situation latino-américaine dans son ensemble que les États-Unis ne contrôlent plus trop en ce début des années 1970 : « Nous n’y avons plus d’amis », soupire le secrétaire au Trésor John Connally. Les coups d’État militaires fascisants – Banzer en Bolivie (1971), Pinochet au Chili (1973)… – sont souvent tenus pour la preuve de l’intervention plus grossière que jamais du voisin du Nord sous la férule d’un président Nixon ami de la force et « remonté » par un ami cubain réactionnaire, le fameux « Bébé » Rebozo. La vérité est que les choses échappent bien plus que naguère à Washington. Les mécanismes mis en place dans les années 1960 pour contrer la contagion castriste courent désormais sur leur erre. Nixon sedésintéresse, depuis ses débuts (1969), de l’Amérique latine. Il est occupé par le Viêtnam, avec lequel sera signé, le 23 janvier 1973, un accord de désengagement militaire américain. Et, surtout, il joue sa « grande politique » : un œil vers Pékin (1971), l’autre vers Moscou (1972). En foi de quoi les
Latinos
sont en semi-sécession en ce début des années 1970. L’Alliance pour le progrès a été enterrée. Et la politique de détente US avec le bloc socialiste fait craindre aux États du sud du Rio Grande d’être les dindons de la farce. Le sous-continent lorgne donc à son tour vers les non-alignés : trois grands pays, outre Cuba, vont participer pour la première fois à part entière à leur IV e Sommet, à Alger, en 1973 : le Chili, le Pérou et l’Argentine.
Renouer avec La Havane devient ainsi la pierre de touche pour des gouvernements exaspérés par Washington. Le Pérou, le Chili et Panama, qui reprennent les relations en 1973, se mettent à la tête, à l’OEA, de la croisade procubaine. Même des pays ayant eu maille à partir avec Fidel, le Costa Rica, le Venezuela, la Colombie, inclinent au rapprochement. Castro, en bon tacticien, va dès lors chevaucher le thème de la nécessaire unité des
Latinos
contre les Yankee
s
. Reprenant une idée des généraux péruviens et des socialistes chiliens que les Mexicains et les Vénézuéliens approuvent, il va pousser à la naissance d’un organisme où « ceux du Sud » se retrouveraient entre eux, hors la présence des États-Unis. « L’Amérique latine doit s’unir, ou elle sera soumise », déclare à
L’Humanité
, le 16 octobre 1974, l’émule cubain de Bolivar. Une telle association verra le jour en 1975, sous le nom de Sela : Système économique latino-américain. La Havane y sera ; Washington, pas. Le
Lider
a brillamment contribué au retournement du front anticubain…
Le coup d’État militaire qui s’est abattu sur le Chili le 11 septembre 1973 a attristé mais peu surpris Castro. Il se contenta d’aider l’agitation « anti-yankee » qui se fait autour de l’événement à se tourner en faveur de sa Révolution. Or, côté États-Unis, dès l’accession au pouvoir, à la mi-1974, du pâle Gerald Ford, des suites du « Watergate » qui avait poussé Richard Nixon à la démission, les sanctions contre l’île sont réexaminées. Henry Kissinger, maintenu secrétaire d’État par le nouveau venu, avait déjà, sous Nixon, élaboré un plan en ce sens. LesAméricains, qui ont déjà eu de quoi humer le parfum des cataclysmes indochinois (au Viêtnam et au Cambodge) qui surviendront au printemps 1975, ressentent qu’il est temps, écrit Brian Latell dans son
Raúl Castro, l’après Fidel
, « de réduire les tensions bilatérales et de progresser vers un rapprochement global ». De fait, en janvier 1975, les premières négociations (secrètes) de part et d’autre du
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