Fidel Castro une vie
Washington n’aura pas de difficultés à convaincre, très vite, d’interdire leurs aéroports. Les Cubains placent alors des réservoirs à l’intérieur des appareils ! Font ainsi escale aux Açores, îles portugaises en pleine révolution des Œillets, des Britania de ligne bourrés d’hommes en civil, jeunes, bien découplés, le cheveu court. Bien vite, l’Union soviétique offrira ses Iliouchine et ses Antonov. L’intendance suit dans des cargos, en trois semaines. La marine américaine les traque mais ne reçoit pas autorisation d’intervenir.
García Márquez rapporte la réaction touchante de Neto : en voyant de la fenêtre de son palais présidentiel « tant de bateaux cubains dans la baie de Luanda, le leader angolais sentit la pudeur l’envahir ». Et de s’exclamer : « À ce rythme, ils vont se ruiner. » Le 14 novembre, les Cubains sont mille cinq cents, et trois mille le 20, moment où les vols soviétiques s’accélèrent.
En difficulté les premiers jours, les soldats de Castro se ressaisissent. Alors que le congrès du PCC déroule ses fastes, de durs combats sont en cours. Les Cubains s’y révèlent, d’avis d’experts, bons combattants. Et l’artillerie soviétique fait merveille. Le 9 décembre, pourtant, la « colonne blanche » leur inflige un sérieux revers. Les citoyens cubains n’en sauront jamais rien. La montée en puissance du dispositif continue : dix mille à la mi-janvier 1976. Déjà le plus faible des deux adversaires du MPLA, le FNLA, se défait au nord. Kissinger va se plaindre à Moscou mais, pour le Kremlin, cette affaire regarde « exclusivement » Cuba et l’Angola. Le 22 janvier, l’Afrique du Sud, elle aussi, décide la retraite. Le chef du gouvernement raciste John Vorster dira que, appelés par les États-Unis, les « anticommunistes » n’avaient pas cru possible de continuer à défendre seuls « l’Occident ». Il est surtout vrai que, avec la création annoncéede « forces aériennes angolaises », la bataille s’apprête à passer au registre supérieur, et Pretoria n’entend pas être entraînée dans une guerre totale.
De fait, l’Ouest, si même les États-Unis ont été stupéfaits, ne paraît pas si préoccupé. Au plus fort de la bataille, début janvier 1976, on voit même à La Havane le premier chef de gouvernement d’un pays de l’Otan, le Canadien Pierre Trudeau. C’est aussi le moment où la ministre française de la Santé, Simone Veil, se rend à Cuba. Jacques Chirac, Premier ministre, avait, l’été précédent, annulé ce voyage en raison de l’implication présumée de trois Cubains dans la sanglante « affaire Carlos » : une fusillade à Paris, rue Toullier, dans laquelle un inspecteur de police a perdu la vie. Simone Veil se trouve, cette fois, à La Havane en même temps que le Panaméen Omar Torrijos, qui a lui-même suivi de peu le Mexicain Luis Echeverría, puis le Suédois Olof Palme, bon premier des chefs de gouvernement de pays industrialisés à visiter « l’île du Dr Castro ».
En Angola cependant, fin janvier 1976, l’Unita, à son tour, perd pied : le 9 février, Jonas Savimbi a évacué Huambo, sa capitale. Le lendemain, l’Ougandais Idi Amin Dada, qui est aussi président de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), reconnaît Agostinho Neto. L’Unita annonce qu’elle organisera désormais la guérilla de son QG « dans la forêt ». L’Afrique noire, dans sa majorité, montre sa satisfaction de l’intervention castriste : « Bonne chance les Cubains ! », s’écrie ainsi le Zambien Kaunda, loin d’être un marxiste. Le « pouvoir pâle » en Afrique du Sud et, indirectement, en Rhodésie – futur Zimbabwe – vient, en effet, de subir une défaite : tous les pays dits « de première ligne » ne peuvent que s’en réjouir. Les plus préoccupés sont les chefs d’État « modérés ». Le plus prestigieux d’entre eux, le Sénégalais Leopold Senghor, déclare à
Jeune Afrique
: « L’Angola m’angoisse… Castro est un grand homme, qui restera dans l’histoire… Mais… nous n’acceptons pas les leçons… L’expédition cubaine a triomphé, et les Occidentaux se sont précipités et ont demandé aux modérés de reconnaître Neto. Ayant l’habitude de penser par nous-mêmes, nous, nous avons refusé… »
Les États-Unis sont à vau-l’eau : « Je ne vois pas où veut en venir Castro », déclare le président Ford lors de ses vœux auxAméricains. Il ne sait que
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