Fidel Castro une vie
nécessité, pour les producteurs, d’aider les nations moins favorisées : « Si l’on veut que les pays sous-développés fassent leurla bataille du pétrole, il faut que les pays pétroliers fassent leur la bataille du développement », lance-t-il. Le Cubain qui, pour beaucoup, était surtout un bon baroudeur, acquiert une réputation plus subtile auprès de ses pairs du tiers-monde.
Cependant, Castro aura eu la joie, le 28 janvier 1974, de recevoir sa première visite d’un secrétaire général du Parti communiste soviétique, Leonid Brejnev. Celui-ci insiste à nouveau, auprès de son hôte fougueux, sur les mérites, « pour la paix universelle », de la coexistence pacifique, illustrée par les accords russo-américains Salt I de 1972. Bien que cette visite survienne peu de mois après le renversement du Chilien Allende, le maître du Kremlin propose l’idéal de la « détente » pour l’Amérique latine également : « Ce sont les peuples concernés qui doivent faire leur révolution », déclare Brejnev.
Sur le plan intérieur, la première moitié des années 1970 a été tendue vers la fameuse « institutionnalisation ». La promesse faite par Castro de relancer « les organisations de masse » a été tenue : toutes ont réuni leur congrès. En novembre 1973, la Centrale des travailleurs cubains (CTC) accepte des normes de production plus sévères contre le paiement des heures supplémentaires et de primes ; les ouvriers organisés auront aussi leur mot à dire dans l’élaboration du premier plan quinquennal (1976-1980). Les Comités de défense de la Révolution (CDR) et la Fédération des femmes voient leur couche dirigeante recevoir la concession de l’honorabilité, via des promotions dans le gouvernement et le parti. Tout cela culminera avec le I er Congrès du Parti communiste cubain, qui sera réuni en décembre 1975, dix années après sa création.
Une expérience dite de « Pouvoir populaire » avait été menée, en 1974, dans la province de Matanzas. Il s’agissait d’élire au suffrage universel, pour la première fois depuis 1959, des délégués municipaux. Sont électeurs tous les Cubains de plus de seize ans – sauf les prisonniers politiques ou de droit commun, les candidats à l’émigration et les ex-batistiens. Les candidats sont désignés à main levée « au sein » des CDR ou de l’Association des petits agriculteurs. Élus, ils élisent à leur tour un exécutif municipal en leur sein, sur une liste établie par une commission de représentants du parti et des « organisations de masse ». Ilsélisent aussi des délégués qui, avec leurs homologues d’autres communes, nomment l’assemblée de la province. Les exécutifs de toutes ces instances sont désignés dans les mêmes conditions sûres que ceux des assemblées municipales. Le Pouvoir populaire a pour tâche la gestion décentralisée.
C’est ce système que la Constitution « martienne » (hommage à « l’apôtre et martyr » José Marti) et « marxiste-léniniste », votée le 15 février 1976 par 97,7 % des votants représentant 98 % des inscrits, va généraliser aux cent soixante-neuf communes et quatorze provinces de l’île. Elle le parachèvera par l’élection, le 2 novembre, selon la même formule de scrutin indirect et listes verrouillées, de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire. À son tour, cette ANPP (que présidera jusqu’en 1981 le chef historique de l’ex-PSP communiste, Blas Roca) désignera, le 2 décembre, le Conseil d’État : un exécutif (chef d’État et chef de gouvernement) collégial (les décisions sont officiellement prises « à la majorité simple »), qui est aussi un législatif entre de rares (deux fois l’an) et brèves (deux journées) réunions de l’Assemblée nationale. De cet organe, le président sera Fidel, et Raúl le vice-président. Ainsi, dix-neuf ans après la victoire de 1959, le
comandante
aura-t-il relégitimé son pouvoir.
Par une heureuse coïncidence, les cours du sucre flambent au milieu des années 1970. Les prix ont poussé, en l’année des « quinze ans de la Révolution » (1974), des pointes à soixante
cents
la livre – six fois le record de « l’année du vingtième anniversaire de la Moncada » (1973). Une baisse de la production des États-Unis explique en bonne partie ce boom. Et comme les
zafras
de 1973 et 1974 ont été bonnes, d’un seul coup Cuba se retrouve riche. Pour la première fois depuis 1959, la
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