Fidel Castro une vie
l’Assemblée nationale se réunissent pour la première fois le 2 décembre 1976 – vingtième anniversaire du débarquement du
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. Le rafiot, renfloué, rejoint, pour la circonstance, un musée de la Révolution, en lisière de la vieille Havane. Fidel, on l’a dit, est élu président du Conseil d’État – ultime titre qui lui manquait. Un cadeau de la Révolution pour son premier demi-siècle ! La tuile faîtière est posée. Dorticós, après quinze ans de loyaux services, peut céder la place. Fidel désigne ensuite le Conseil des ministres, qu’il préside. Cette instance compte vingt-trois membres, plus vingt responsables de « comités d’État », regroupant, comme en Union soviétique, plusieurs administrations. Raúl, nommé « général d’armée » quelques jours plus tôt, est fait premier vice-président du Conseil d’État et du gouvernement. Le congrès du PCC a réintégré quelques « vieux communistes » au Politburo, d’où ils avaient disparu en 1965. Blas Roca,ex-secrétaire du PSP, Rodríguez et Arnaldo Millán, un des fondateurs du premier PC en 1925, entrent dans le saint des saints. Les sept fidélistes historiques de 1965 restent en place : outre les frères Castro, Almeida, Valdés, García, Hart et del Valle. Dorticós aussi est maintenu. Deux autres fidèles entrent dans l’instance suprême, ainsi élargie à treize membres : Pedro Miret, ex-chef de « la Plaine », et Machado Ventura, issu de la Sierra Maestra mais qui a eu des tribulations en 1968. Les vice-Premiers ministres et les ministres sont, pour nombre d’entre eux, des technocrates grandis dans la Révolution. Certains ont été formés à Moscou ; plusieurs sont de bon niveau. Certains « politiques », aussi, retiennent des postes stratégiques : outre Raúl le Minfar (la Défense), bien entendu, Sergio del Valle l’Intérieur (Minint) et Armando Hart la Culture (qui comprend la Propagande). Un nouveau ministre des Affaires étrangères fait son apparition à la place de Raúl Roa, malade : Isidoro Malmierca, ex-responsable des Jeunesses communistes, ex-directeur de la Sécurité, ex-directeur de
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. Avec des remaniements en 1980 et 1985-1986, et des disgrâces, ces hommes seront aux affaires jusqu’au tournant des années 1980-1990.
Washington a d’abord espéré que, après la victoire éclair des troupes de Castro en Angola, celui-ci donnerait l’ordre de repli. C’était mal connaître l’homme. Et, à la vérité, la situation n’est pas stabilisée. L’Afrique du Sud demeure présente en Namibie et menaçante pour l’Angola. La guérilla de l’Unita, aidée par Pretoria, conteste en effet à Luanda la maîtrise de vastes parts du territoire. Le Premier ministre Lopo do Nascimento annonce même, le 25 juillet 1976, que les Cubains subissent « des pertes », ce qui met Castro en rage. À cette date, ses soldats combattent durement à Cabinda, de l’autre côté de l’embouchure du Congo. Un « Front de libération », soutenu par le Zaïre, y envisage une sécession. Mais Mobutu n’est pas de taille face à Castro : l’enclave restera angolaise et son pétrole – dix millions de tonnes par an exploitées par l’américaine Gulf Oil – permettra à Agostinho Neto de repayer l’aide que La Havane lui fournit.
L’objectif des Cubains est également d’aider Luanda à construire un État marxiste. La constitution d’une armée digne de ce nom et d’une administration susceptible de faire tourner ce pays à peine indépendant (en commençant, selonl’obsession habituelle des insulaires, par la Sécurité) : telles sont les ambitions de Castro. On assiste donc à une arrivée massive de coopérants de toutes spécialités. Après un semblant de retrait initial, les troupes seront ensuite plusieurs fois renforcées, notamment par le « rapatriement » en Angola d’une force blindée stationnée en Syrie depuis le lendemain de la guerre du Kippour. Leur tâche essentielle deviendra de monter la garde dans le Sud pour empêcher les incursions de Pretoria. Les militaires cubains en Angola sont officiellement des « réservistes » ; les « techniciens » qui affluent sont souvent eux aussi « militarisés » – ainsi les médecins. La distinction entre les uns et les autres n’est pas aisée.
De fait, le difficile comptage des compatriotes de Castro en Afrique deviendra, la deuxième moitié des années 1970, l’exercice obligé des chancelleries. On va ainsi « découvrir
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