Fidel Castro une vie
Guinée-Bissau, pour qui l’aide sera toujours généreuse. La révolution des Œillets, lancée le 25 avril 1974 au Portugal, a donc passionné Cuba, qui en a aussitôt vu les virtualités africaines. Le sémillant capitaine Otelo de Carvalho, provisoire homme fort de Lisbonne, sera l’hôte d’honneur du 26 juillet 1975. Encore trois semaines et c’est António Rosa Coutinho, surnommé « l’amiral rouge », qui fera le voyage vers l’île. Le I er Congrès du Parti communiste cubain va marquer de façon symbolique ce long engagement : capturé en 1969 alors qu’il combattait avec le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert), condamné par un tribunal du dictateur Salazar puis libéré par la révolution des Œillets, le capitaine Pérez Peralta est élu au Comité central. Devant l’assemblée, Fidel évoque aussi, son aide à tous les gouvernants « progressistes » d’Afrique : Sékou Touré en Guinée, Marien Ngouabi au Congo, Siyaad Barre en Somalie…
S’agissant de l’Angola proprement dit, « l’aide humaine et matérielle de Cuba ne lui a jamais fait défaut ». De fait, les contacts avec le MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola) marxiste remontent au milieu des années 1960. Le récit de « l’opération Carlota » proprement dite a été fait par le Colombien Gabriel García Márquez, ainsi mué en chroniqueur durégime. Le récit de « Gabo », comme le nomment ses intimes, publié début 1977 dans l’hebdomadaire mexicain
Proceso
, est, dans ses grandes lignes, tenu pour véridique.
C’est le 5 novembre, dans le secret du palais de la Révolution à La Havane, que s’est décidé l’envoi des troupes cubaines. Une réunion « longue et sereine ». On imagine bien Castro planifiant à nouveau une de ces opérations martiales qu’il aime de passion. Ce jour-là, le MPLA qui, l’été précédent, a bouté ses adversaires du FNLA et de l’Unita hors de la capitale Luanda, s’y retrouve assiégé. Or, l’indépendance a été décidée avec le Portugal pour le 11 novembre. Une course de vitesse s’engage donc.
Quelque deux cent trente militaires cubains sont sur place depuis six mois. En juillet, dit « Gabo », Fidel a tenté de convaincre l’homme de premier plan de Lisbonne, Otelo de Carvalho, d’envoyer des troupes au secours du MPLA mais le Portugal est alors sens dessus dessous. La situation est d’autant plus grave pour le parti d’Agostinho Neto que, dans le nord du pays, le Zaïre aide le FNLA et, dans le Sud, Pretoria épaule l’Unita.
Le 7 novembre, quatre jours avant l’indépendance, le premier contingent cubain s’envole de La Havane : c’est le bataillon de choc des troupes du ministère de l’Intérieur, les
tropas
. García Márquez est formel : la décision a été prise par les seuls Cubains et « notifiée » à Moscou. Et ce n’est pas une hypothèse idiote car Fidel, à la différence des généraux chamarrés et autres hiérarques appesantis du Kremlin, a les moyens de décider comme l’éclair. De surcroît, depuis le printemps, il avait de quoi méditer. Le 30 avril, l’ambassadeur américain à Saigon s’est enfui de sa légation en hélicoptère, bannière étoilée sous le bras, rejoignant un porte-avions au large. Deux semaines plus tôt, le régime cambodgien de Lon Nol, protégé des États-Unis, avait été renversé par les Khmers rouges. Castro, un des meilleurs connaisseurs au monde de la machinerie américaine (Ford est « son » cinquième président), juge donc qu’il y a un vide sidéral à la tête de l’une des deux premières puissances mondiales : elle ne risquera pas un
boy
en Afrique.
Le
Lider
franchit donc le pas. Sans doute l’Union soviétique fait-elle la même analyse de la faiblesse de l’Amérique. Et elle met les moyens de transport et les armes à la disposition deCastro. Car c’est un rude combat qui se prépare, avec la percée en cours vers Luanda d’une colonne blindée de deux mille hommes, Sud-Africains et mercenaires portugais. Les tanks, les canons, les missiles soviétiques, qui seront les armes de cette bataille, les Cubains les connaissent par cœur ; ils ne perdront pas une minute à les prendre en main. Le déplacement des premières centaines de « volontaires » – de redoutables spécialistes – se fait à bord d’avions cubains, militaires ou civils. On improvise des escales, à la Barbade, au Guyana, au Cap-Vert, tous pays modestes que
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