Fidel Castro une vie
délimitation des zonesde pêche et des espaces maritimes respectifs, sont au même moment en cours dans la capitale américaine : une inquiétude peut donc s’ensuivre chez son allié, que le
Lider
s’emploiera à calmer. Et, surtout, il rencontre ses hommes qui se sont battus et tiennent le terrain. Devant eux, il déserte pour la première fois de sa vie, assure Brian Latell, qui a certainement ses sources, une certaine modestie qui avait jusque-là été sa marque : il parade « tel un général romain », exposant ses hauts faits, se vantant de ses exceptionnelles qualités de militaire et de politique…
Puis il file vers Alger, une escale qu’il n’esquive jamais lors de ses voyages en Afrique, sans doute parce qu’un certain nombre d’éléments relatifs à ses campagnes, militaires ou civils, s’y articulent. Il sera ainsi resté plus d’un mois sur le continent. De là, il s’envole pour l’Europe de l’Est. À Berlin, il évoque une future coordination militaire en Éthiopie : de fait, Cubains et Allemands de l’Est se retrouveront, à la fin de l’année, très engagés dans ce pays de la « Corne », avec la bénédiction de l’Union soviétique, cela s’entend. Enfin, Fidel débarque à Moscou pour une visite « amicale non officielle ». Il y est accueilli, le 5 avril, par Leonid Brejnev, Nikolaï Podgorny, Alexeï Kossyguine et Andreï Gromyko, les « Grands » du Kremlin : l’amitié et l’absence de formalisme n’excluent pas la curiosité ! Il est vrai que Podgorny, coïncidence ou non, a effectué, en parallèle avec Castro, la première visite d’un chef d’État soviétique en Afrique noire. La Tanzanie, la Zambie, le Mozambique et la Somalie ont aussi été à son programme. Et, à Lusaka, il a rencontré les chefs des Fronts de libération d’Afrique australe : Joshua NKomo et Robert Mugabe du Zimbabwe-Rhodésie, Sam Nujoma de la Swapo et Oliver Tambo du Congrès national africain (ANC).
Il n’est pas si malaisé d’imaginer les séances de travail entre les gens du Kremlin et le Cubain. Il est loisible de penser que Castro aura insufflé aux hiérarques embourgeoisés de Moscou un brin de sa pétulance, à quoi rien ne semble pouvoir résister. Peut-être même que l’absence d’inhibition du
comandante
aura illuminé ces hommes qui, moins de trois ans plus tard, décideront d’envahir l’Afghanistan – ce qui marquera l’apogée puis le chant du cygne de l’Union soviétique. Car Castro a d’évidence les mots pour dire le « regain de prestige » acquis en Afrique par lepays des soviets. Et, en retour, les hommes de Moscou expriment sans doute de l’admiration pour la stature acquise par Cuba. Le communiqué final exprime, en tout cas, la commune volonté des parties de développer « l’interaction du mouvement communiste international et du mouvement de libération nationale ».
À l’escale de Terre-Neuve, lors de son retour à La Havane, Fidel apprend que le Maroc a décidé d’intervenir au Katanga. La veille, 7 avril, le président français Valéry Giscard d’Estaing a envoyé des Transall pour embarquer un millier de soldats du roi Hassan II vers le Zaïre. Qu’est-ce que cela veut dire ? À la mi-mars, mille « gendarmes katangais » rescapés des tribulations de l’ex-Congo belge des années 1960 avaient envahi leur province d’origine rebaptisée « Shaba » depuis que Léopoldville est devenue « Kinshasa » et que le pays se nomme « Zaïre ». Naguère fidèles d’Antoine Gizenga, adjoint du Premier ministre radical Patrice Lumumba, assassiné en 1961, ils avaient, en 1967, chassé le pro-occidental Moïse Tshombé du Katanga. Depuis, certains se sont ralliés au président zaïrois Joseph Mobutu. Les autres, réfugiés en Angola, viennent de rentrer chez eux
manu militari
, via la Zambie. Rabat s’est appuyé, pour intervenir, sur une demande de Kinshasa, qui a rompu les relations avec Cuba en raison d’une présumée « collusion » de ce pays avec les fameux gendarmes dans la « guerre du Shaba ».
On ne fait, en la circonstance, que prêter aux riches car La Havane vient, avec une évidente jubilation, de divulguer maints détails de « l’opération Carlota »… Les Américains, qui ont renoncé à envoyer une aide militaire à Mobutu, ne pipent mot. En privé, cependant, plus d’un officiel américain se déclare soulagé. Cependant, l’incident va se dégonfler. On apprend que les « Blancs » qui encadraient les
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