Fidel Castro une vie
décisif. Celui-ci ne sera pas ménagé, d’autant que l’offensive du FPL en Érythrée a réduit les troupes d’Addis-Abeba à la défensive dans la capitale Asmara et l’autre grande ville Massaouah. Aussitôt le deuxième pont aérien soviétique de l’année 1977 vers la capitale de l’Éthiopie est mis en place. Et, cette fois, les Cubains sont de la partie : quinze mille hommes, dirigés par le général Ochoa, qui vont faire l’admiration du généralissime soviétique Petrov.
Tandis que La Havane s’embarque à plein dans l’équipée, on note que Washington – qui ne peut rien ignorer, vu ses moyens de renseignement – accorde à Castro le bénéfice du doute. Le 19 décembre se concluent les négociations sur la délimitation des frontières maritimes entre les deux pays. Et Fidel retourne la politesse en libérant, le 23 décembre, douze prisonniers politiques. Mais, devant l’Assemblée nationale, il fait un discours très militant : « La solidarité de Cuba avec les peuples d’Afrique ne se négocie pas. Nous aidons et aiderons la révolution éthiopienne. »
Ainsi, en 1977, Fidel a-t-il tenu dans sa main Jimmy Carter, le président américain le mieux disposé à son égard depuis vingt ans. Il a obtenu la conclusion de traités qui l’intéressent plus que les États-Unis. Et il « paie »… en accueillant à Cuba les Américains que Carter a autorisés à y aller et en libérant quelques prisonniers politiques. En revanche, il a renforcé sa présence militaire en Afrique. La preuve est, cette fois, faite que Castro n’est pas si intéressé que ça par une normalisation avecles États-Unis. L’explication des médiocres relations par l’exclusive mauvaise volonté de Washington, pont aux ânes de maints commentateurs, s’en trouve questionnée.
L’année 1978 commence de façon fulgurante, pour Castro. Le 3 janvier, trois bataillons acheminés et armés par Moscou passent à l’offensive en Ogaden. Aviateurs, tankistes, artilleurs, missiliers et fantassins cubains, soutenus par les hélicoptères soviétiques, font merveille : en sept semaines, la contre-offensive bouscule les Somaliens. Le 5 mars, Jijiga, pointe avancée du dispositif des envahisseurs, change de main. Le 9, Mogadiscio reconnaît sa défaite. Et, le 14, La Havane admet pour la première fois la présence d’unités
combattantes
en Éthiopie. Castro sait se taire lorsque c’est nécessaire, mais il ne supporte pas longtemps que ses mérites demeurent méconnus. Une absence de Raúl deux mois et demi durant laisse à penser que le ministre des Armées a pu se trouver en Éthiopie, peut-être en Ogaden, durant l’offensive. Une rumeur veut même qu’il y ait été blessé.
La principale question alors posée aux Cubains est celle de leur éventuelle participation à
l’autre
contre-offensive que doit conduire l’Éthiopie, qui la libérera de l’autre branche de la pince, tenue par les Érythréens. Fidel, qui a aidé le Front populaire de libération à l’époque où celui-ci se battait contre le régime féodal d’Haïlé Sélassié, puis contre le premier Derg, aux orientations ambiguës, va-t-il se retourner, au nom de la raison géopolitique, contre ses amis d’hier ? Le continent retient son souffle. Pour l’Ogaden, Castro a recueilli l’assentiment des modérés du continent eux-mêmes. Cette bienveillance s’explique par le fait que La Havane a, tout compte fait, contribué au maintien du
statu quo
frontalier – un impératif jugé catégorique par tous les gouvernants africains. La question d’Érythrée, elle, est plus complexe puisque l’annexion tardive de cette région par le négus est jugée contestable. Une bonne raison, pour l’Union soviétique et Cuba, d’aider Addis-Abeba à casser les rebelles érythréens pourrait être l’appui que leur donnent les pays arabes modérés – « réactionnaires », selon Fidel. De fait, le
Lider
s’oriente vers l’engagement aux côtés de Mengistu : le 20 avril, il proclame le droit de l’Éthiopie à son « intégritéabsolue » : les maquisards érythréens sont des « sécessionistes ». Le 23 avril, Mengistu est à Cuba ; le 16 mai, il peut déclarer : « Les Cubains nous appuient. » Et des troupes de La Havane participent déjà à un certain nombre d’opérations.
Mais quel élément nouveau intervient ? Des journalistes de passage à Cuba s’entendent expliquer que, décidément, « la situation dans la Corne est plus
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