Fidel Castro une vie
complexe que celle de l’Angola ». Et, le 13 juin, Mengistu rectifie : « Il n’y a pas de combattants cubains [ni soviétiques, ajoute-t-il, contre l’évidence] dans la province du Nord. » Le 4 juin, le ministre des Affaires étrangères Isidoro Malmierca se prononce pour une « solution politique » en Érythrée.
Durant le second semestre de 1978, affirmations et démentis se succèdent sur la participation cubaine aux combats d’Érythrée. Les Fronts eux-mêmes se contredisent. Il semble que les soldats de Fidel soient présents à Asmara (jusqu’à quatre mille) mais qu’ils ne participent que sporadiquement aux engagements aux côtés des Éthiopiens : une action aérienne ici et là. Sans doute les Cubains se contentent-ils de garder des positions pour permettre aux hommes de Mengistu d’attaquer : leur façon de résoudre la quadrature du cercle.
Mais que s’est-il passé ? Sans doute est-ce que certains signes captés par les diplomates ou les services de renseignement n’autorisent plus à espérer que durera longtemps encore la tétanie américaine née du traumatisme viêtnamien. Peut-être aussi l’Union soviétique est-elle en train d’entrevoir certains des problèmes (économiques, organisationnels, humains, de l’alcoolisme à la dénatalité en passant par la fascination de la jeunesse pour le rock comme signe d’aspiration à une vie plus libre) qui l’emporteront dans à peine plus d’une décennie. À moins que le Kremlin ne songe déjà à l’Afghanistan, où le PC au pouvoir après un coup d’État est en mauvaise position, et où l’Armée rouge interviendra à la fin de l’année suivante. Moscou tend alors à se détacher de sa belle découverte africaine. Conséquence : il n’y aura plus là-bas de coup de main majeur de Cuba. Car La Havane devra bien tenir compte de l’état d’esprit et des moyens mis à sa disposition par ceux qui l’ont pris pour leur « valet d’armes ». Mais Castro veut au moins tenir ce qu’il a « sécurisé » au nom de « l’interaction entre le Mouvementcommuniste international et le Mouvement de libération nationale qui soulève la “Corne” et le sud du continent noir » : « Les Cubains sont en Afrique pour longtemps », dit-il le 18 juin 1978, dans une nouvelle interview à Barbara Walters, passée à CBS. « Combien d’hommes avez-vous là-bas ? Quarante mille ? » Et Fidel, dans un large sourire, de répondre : « C’est un peu exagéré. » Le 10 septembre, il fait une escapade en Éthiopie pour le quatrième anniversaire de la chute du négus. Il y recueille le triomphe du héros. On le voit sur les lieux où ses hommes ont fait des merveilles, en particulier sur le champ de bataille de Jijiga. Il reconnaîtra vite qu’il y a eu jusqu’à douze mille hommes en Éthiopie en même temps que trente-six mille en Angola.
Vers la fin du printemps 1978 a éclaté la « deuxième guerre du Shaba », où la France est en première ligne. C’est comme une caricature de la première, mais une particularité émeut cette fois l’opinion occidentale : deux mille Européens, dont quatre cents Français, sont retenus en otages dans Kolwezi, la capitale économique du Katanga, par les gendarmes de l’ex-général Mbumba. Et les assaillants sont, assurent encore les services de renseignement occidentaux, « encadrés » par des Cubains. À la différence de l’année précédente, les troupes françaises interviennent, cette fois, directement : sur l’ordre du président Giscard d’Estaing, quatre cents paras sautent sur Kolwezi. Et les assaillants font retraite, non sans avoir tué un nombre incertain d’otages. Comme en 1977, des troupes marocaines viendront prendre position, remplaçant les Français. L’épisode provoque une prise de bec entre Carter et Castro. L’Américain accuse Cuba d’avoir eu un « rôle crucial » au Shaba et dénonce ses « mensonges ». Fidel, fouetté, répond qu’il a, en réalité, tenté d’empêcher l’affaire. Il révèle même qu’il a, sur ce sujet, adressé un message à l’Américain ! Et celui-ci reconnaît le fait, ne pouvant qu’ajouter, piteux, que Castro « aurait pu faire plus » et que, en toute hypothèse, les Katangais avaient bien été entraînés par les Cubains en Angola. La déliquescence postviêtnamienne de l’exécutif américain s’étale, entière, dans ce couac.
Fidel, cependant, donne l’impression de vouloir rattraper par les basques un Carter
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