Fidel Castro une vie
de la préparation de l’attaque de la Moncada. Plus généralement, c’est ce mélange d’intellectuels de mouvance orthodoxe et de « groupes d’action » de l’université de La Havane qui sera le bouillon de culture du castrisme.
On est, cependant, en pleine confusion. Dans une revue qu’il a contribué à fonder avec de jeunes communistes,
Saeta
(la flèche ; en anglais :
Arrow
; à rapprocher de ARO), Fidel écrit, en cette mi-1947, des articles véhéments contre les « gangs ». Or, les élections universitaires en cours sont, pour l’essentiel, un affrontement entre les deux principaux « gangs » : le MSR, d’un anticommunisme virulent, qui devait triompher… avec l’appui des Jeunes communistes ; et l’UIR, qui patronne la liste sur laquelle Fidel, le pourfendeur desdits « gangs », s’est présenté comme candidat au secrétariat de la FEU – lui, le damoiseau des orthodoxes épris de pureté !
C’est vers cette époque, en juillet 1947, que prend corps un épisode qui va jeter le fils d’Ángel dans sa première aventure « internationaliste » : la préparation d’une invasion de la République dominicaine. Dans cet État qui se partage avec Haïti l’île d’Hispaniola, voisine orientale de Cuba, règne, depuis 1930, le dictateur Rafael Trujillo. Le « Bienfaiteur du peuple » faisait partie de cette race de « fils de pute » dont un président américain disait, pensif : « Oui, mais c’est
notre
fils de pute ! » L’idée de délivrer Santo Domingo de cette férule recueillait d’autant plus d’écho à La Havane qu’un Dominicain, Máximo Gómez, avait été, trois décennies durant, l’un des leaders des guerres d’indépendance de Cuba. C’est parmi les antitrujillistes réfugiés, nombreux à Cuba, que naît l’idée de l’expédition.
Parmi les ardents supporters de l’entreprise figure un homme qui fera beaucoup parler de lui quinze ans plus tard : l’écrivain Juan Bosch. L’affaire, cependant, ne prend consistance que le jour où elle trouve des partisans avérés au sein du gouvernement, à commencer par le puissant, riche et corrompu ministre de l’Éducation, José Alemán. Celui-ci entendait-il s’en servir comme d’une machine contre Grau ? On ne sait. Cependant, peu préoccupée, alors, de projection internationale, Cuba n’entend pas se commettre dans une guerre contre Saint-Domingue. Aussi y imagine-t-on, en haut lieu, de sous-traiter la préparation aux « groupes d’action », dont les luttes redoublaient depuis le printemps 1947. Le MSR arrache le lot.
Castro, d’enthousiasme, en laisse tomber ses examens. Pourtant, selon la géopolitique du campus, le jeune homme est ennemi de Masferrer et des siens. Alors, on négocie. Fidel reçoit le commandement d’un groupe de Dominicains : ce sera une protection contre les tueurs d’en face. Un millier d’hommes se rendent au milieu de l’été 1947 à Cayo Confites, l’un de ces îlots désolés qui, par centaines, bordent les côtes – situé, celui-ci, au nord-est de Cuba. Il y avait là, raconte Carlos Franquí (qui y rencontre pour la première fois Castro), « des gangsters imbibés de whisky, une foule de conflits, d’immoralité et d’ambitions, des papas qui cherchaient leur fils, des prostituées qui s’exhibaient ». C’est là le premier entraînement militaire reçu par Fidel. Il sera des plus sommaires. Six semaines d’attente morne sur des plages écrasées de soleil. Alors Trujillo accuse l’écrivain américain Hemingway, qui vit à Cuba, d’être de mèche avec les comploteurs. Cette publicité affole un peu tout le monde. Le commandement militaire cubain envoie donc des Forces arrêter ce microcosme. La plupart des volontaires de Cayo Confites passeront quelques mois détenus près de La Havane.
Fidel, lui, a réussi à lever le camp à temps avec quelques compagnons. À bord d’une embarcation, ils tentent, a assuré Castro à l’écrivain colombien Arturo Alape, « d’aller à Saint-Domingue » ! La fin de l’histoire veut que, passant au large de cette baie de Nipe qui longe quasiment la propriété paternelle de Birán, le fils d’Ángel se soit jeté, mitraillette à la main, dans des eaux infestées de requins, pour rejoindre la terre ferme,
via
le Cayo Saetia. Sur les mobiles d’un acte aussi suicidaire, lesnarrateurs divergent : le petit navire avait-il été rejoint par un garde-côte ? Fidel l’assure. Ou bien l’intéressé était-il menacé par
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