Fidel Castro une vie
celui de « révolution » ? Une autre thèse a ses tenants : ce serait Raúl, arrivé à son tour en 1949 à l’université de La Havane et vite entré aux Jeunesses communistes, qui aurait entraîné son frère. Mais Raúl a soutenu durant un demi-siècle que c’est Fidel qui lui avait fait découvrir les grands auteurs marxistes.
L’université étant une école de chefs, c’est là, très normalement, que Fidel a rencontré les obstacles les plus rudes. Il a explicité ce point lors d’une visite faite à l’
alma mater
peu après son entrée triomphale dans la capitale : « Ce que j’ai souffert à l’université, ça dépasse la Sierra ! » Il a encore, ce même 14 janvier 1959, déclaré : « J’étais le don Quichotte de l’université : toujours sous les coups et au milieu des balles. » C’est en effet ce qui attire le plus l’attention dans ces débuts de Fidel :une conception de la politique comme action. Ainsi, la première sortie publique répertoriée du Castro « délégué de la section de première année » est-elle, au printemps 1946, une action de vive force contre de jeunes « nazi-fascistes » qui prétendaient s’exprimer dans l’enceinte universitaire.
Rapport de force signifie aussi recherche d’alliances. Dans le climat délétère de cette deuxième moitié des années 1940, ce n’était pas un problème rhétorique. Humant le vent, Fidel a immédiatement buté sur un fait : des formations alors dites « révolutionnaires », aujourd’hui présentées à Cuba comme des « gangs », et qu’on pourrait qualifier de « groupes d’action ». Castro n’a jamais nié avoir fait un bout de chemin avec eux.
Ces mouvements se présentaient comme les continuateurs de ceux qui, de 1929 à 1933, avaient secoué puis abattu la dictature de Machado. Ils assuraient aussi vouloir venger les victimes de la répression menée par Batista après 1934. En fait, leur programme était le contrôle de l’université. Du marché noir des manuels à « l’organisation » des élections étudiantes, leur champ était large. Le
Lumpenproletariat
des faubourgs était, en cette affaire, à la disposition de qui avait des moyens financiers. Et cela pouvait donner l’idée de s’en procurer ! Y compris par des actes relevant du droit commun. Du délit, on passait parfois au crime contre un représentant en vue d’un clan adverse – lui-même ponctuellement vengé peu après.
Les deux principaux groupes avaient été fondés en 1945 lorsqu’il était apparu que le départ de Batista avait laissé un vide de pouvoir que le faible Grau ne comblerait pas. Les appellations étaient pompeuses : Mouvement socialiste révolutionnaire (MSR) et Union insurrectionnelle révolutionnaire (UIR). L’un et l’autre avaient pour chef un ancien des Brigades internationales de la guerre civile espagnole : Rolando Masferrer pour le MSR et Emilio Tró pour l’UIR. Masferrer était un transfuge du PC. Tró, lui, avait combattu dans les rangs américains de 1942 à 1944.
À partir de 1947, l’objectif des « gangs » deviendra assez prosaïque : assurer le suivi des carrières de leurs adhérents en les imposant dans l’appareil d’État. Grau, myope ou impuissant, entrera dans ce jeu : il nommera Masferrer et Tró à d’importants postes… dans la police. La « guerre des gangs » n’en prendra quede plus vastes proportions. Tró sera assassiné le 15 septembre ; Manolo Castro du MSR, premier mentor de Fidel devenu son ennemi juré, sera, en réponse, abattu peu après.
Fidel Castro a hésité, puis s’est rapproché de l’UIR : les chefs d’un MSR en train de prendre le dessus l’avaient jugé trop rebelle à leurs règles.
Les biographes de Fidel, attentifs aux raisons de leur modèle, se sont efforcés de réduire l’importance de cette contiguïté avec les gangs durant sa vie universitaire. Martín estime ainsi que, si « Castro a maintenu certains contacts avec l’UIR, c’était pour se prémunir des coups du rival MSR ».
Lors des élections de juillet 1947, pour lesquelles Fidel aspire à devenir secrétaire de la Fédération des étudiants, sa liste est soutenue par l’UIR. Elle a affaire à trop forte partie puisqu’elle a contre elle, outre le PC, le MSR Enrique Ovares, qui succède à Manolo Castro comme président de la FEU, puis deviendra un proche de Fidel. En revanche, les menaces contre le futur
Lider
maximo
de Masferrer et de Mario Salabarría, chef de la police
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