Fidel Castro une vie
merci !
La démocratie brillait, il est vrai, d’un lustre mondial nouveau, après la défaite des régimes nazi et fasciste sous les coups de boutoir, précisément, des États-Unis. Mais quel poids cela pouvait-il avoir dans l’inconscient collectif cubain ?
Les partis « démocratiques » étaient, au vrai, peu reluisants : des cartels se réactivant autour d’un candidat à l’approche d’élections.Tel celui qui avait porté Grau à la présidence, ces « authentiques » ainsi dénommés pour leur revendication d’être les seuls héritiers de l’unique maître à penser de Cuba, le poète et libérateur José Martí. La vérité est que plus d’un
auténtico
s’était découvert tel dans l’espoir d’être servi au moment de la soupe.
Castro aurait-il pu alors devenir communiste ? Après tout, la plupart des compagnons qu’il a fini par se choisir à l’université – Alfredo Guevara, Leonel Soto, Flavio Bravo, Luis Más Martín – sont membres des Jeunesses du parti. Et, passé le premier moment de crainte que cet élève des « bons pères » ne soit un suppôt de la réaction, ils ont bien dû s’imaginer capables de le convaincre d’embouquer leur chenal. Alfredo Guevara reconnaît avoir tenté de le « conquérir » ; mais comment « capter les énergies d’un volcan » ? En réalité, Fidel était trop homme d’action pour se laisser enrôler dans une formation où chaque démarche était pesée, et trop individualiste pour accepter la discipline d’un parti léniniste. Il ne pouvait pas, non plus, espérer y griller des étapes par la démonstration d’une capacité de théoricien : Fidel, certes pas dépourvu d’un bon cerveau, est peu spéculatif.
Pourtant, la question revient, récurrente : Fidel n’était-il pas un communiste « souterrain » ? Si elle n’était posée que par quelques antimarxistes, on s’y attarderait peu ! Mais voilà : des communistes cubains affirment que Castro se situait déjà, vers la fin des années 1940, dans leur mouvance.
A priori
, la constance avec laquelle le Parti socialiste populaire (le PC cubain) a combattu les initiatives de Castro, presque jusqu’à la victoire de 1959, semblerait infirmer cette assertion. Mais Fidel lui-même a oscillé dans ses affirmations. À la fin des années 1950, c’était : « Je n’ai jamais été et ne suis pas communiste » (à Jules Dubois, du
Chicago Tribune
) ; et, dès le début des années 1960, seuls des ennemis de la Révolution pouvaient prétendre encore que le
Lider
n’avait pas
toujours
été marxiste-léniniste !
Dans son ouvrage
Le Jeune Fidel ; les origines de son idéologie communiste
, Martín confirme que, « dès 1947 », son héros s’est senti en amitié « personnelle
et politique
» avec Alfredo Guevara, membre (en secret) de la Jeunesse socialiste (communiste). Sile PC n’était pas avec Castro, Castro était donc lié au PC… sans même le savoir. Le fameux : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé » de Pascal…
Que dit à ce propos le Fidel de la maturité ? À
Frei
Betto : « Ce n’est qu’en troisième année d’université [1947-1948] que je suis entré en contact avec les thèses révolutionnaires du
Manifeste communiste
, des premières œuvres de Marx, d’Engels et de Lénine. Je confesse que j’ai été fortement impressionné par la simplicité et la clarté avec lesquelles le
Manifeste
déclaré notre monde et notre société… » À Martín, Fidel avait expliqué que, « avant même son contact avec la littérature socialiste », il s’était « converti à quelque chose de très proche d’un socialisme utopique » à travers l’étude critique de l’économie politique libérale. Il est certain que Castro n’a jamais été
anticommuniste
. Mais cette attitude pourrait surtout témoigner de son acuité stratégique car, par sa simple masse, plus importante que celle de tout autre PC d’Amérique, et pour sa capacité d’organisation, le PSP était « incontournable ». Est-ce suffisant pour accréditer la thèse d’un Fidel « agent du Kominform » (version de la droite américaine) ou « compagnon de route du PC » (version entendue dans le sérail)
dix ans avant
la Sierra Maestra ? C’est peu crédible. Un garçon aussi bouillant aurait-il pu se contrôler au point de ne jamais mentionner (Martín l’assure) Marx ou Lénine dans ses nombreux discours ? Jamais les mots « communiste » ou « socialiste » accompagnant
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