Fidel Castro une vie
les deux attitudes. Ses services annoncent d’abord que les propriétaires de bateaux faisant la navette entre Mariel et Key West ou Miami seront poursuivis. Mais, un peu plus tard, le président déclare que son pays accueillera les réfugiés « à bras ouverts ». D’avril à septembre, à raison d’un millier par jour de bonne mer, cent vingt-cinq mille
marielitos
gagneront les côtes américaines. Fidel en a profité pour glisser dans le lot des centaines de Cubains emprisonnés pour des délits de droit commun ou qui se trouvaient dans les asiles psychiatriques.
Cette affaire empoisonnera un peu plus les relations bilatérales. Quatre cents personnes se sont aussi réfugiées à la Section d’intérêts américains, devant laquelle éclatent des incidents ; le 18 mai a lieu une « marche du peuple combattant », anti-yankee. Le lendemain, une offre de « négociation globale » est formulée dans
Granma
: sans doute Castro, fin connaisseur des États-Unis, observe-t-il avec préoccupation la montée, face au démocrate Carter, d’un Reagan qui a menacé Cuba d’un « véritable blocus » – s’attirant, de la part du
Lider
, le délicat surnom de « King Kong ». Rien, toutefois, ne peut plus bouger car, durant l’année 1980, la diplomatie US est paralysée par l’affaire des otages américains coincés dans leur Téhéran.
« L’année de toutes les plaies » : ainsi Castro lui-même a-t-il baptisé 1980. De fait, rien ne lui réussit. Des maladies affectenthommes, plantes et animaux. La dengue, une fièvre tropicale en recrudescence dans toute la Caraïbe, évidemment rapportée par des anciens d’Angola, frappe trois cent mille personnes. Une rouille décime les cannaies ; un champignon annihile les plantations de tabac ; une peste contraint à abattre des porcs par milliers. Fidel, comme en 1971, suggère rituellement la culpabilité de la CIA. Et, le 26 juillet, Haydée Santamaría se suicide, vingt-sept ans jour pour jour après l’attaque de la Moncada, dont elle avait été l’une des héroïnes…
Dans le domaine international, 1980 voit la suspension des relations avec le Venezuela, peu à peu empoisonnées par l’affaire de l’attentat de 1976 contre le DC8 de la Cubana. Mauvaise nouvelle encore : la défaite, le 30 octobre, de l’ami jamaïcain Manley face au conservateur Seaga. L’élection de Reagan, le 4 novembre, parachève le désastre. Un seul succès pour Fidel : l’envoi, le 18 septembre, d’un Cubain dans l’espace, à bord du Soyouz 38 soviétique. Arnoldo Tamayo est un mulâtre,
Granma
parle donc du premier cosmonaute « africain ». Sa trajectoire est belle : c’est un ancien cireur de chaussures devenu lieutenant-colonel.
C’est donc un II e Congrès du PC plutôt morne qui s’ouvre à La Havane le 17 décembre, en présence de mille sept cents délégués représentant quatre cent mille communistes – le double du chiffre de 1975. Le « devoir internationaliste » ne peut plus être autant claironné après l’élection de Reagan. Restent les échecs à analyser, et d’abord celui du premier Plan quinquennal. Et il faut remobiliser. Car, après la « normalisation » pressentie de la Pologne soulevée par Solidarnosc, le nouvel élu américain annonce, en une démarche « répugnante et cynique » (Fidel), qu’il mettra bel et bien en œuvre ses menaces de campagne de « bloquer » Cuba.
Le 1 er mai, déjà, le commandant en chef avait appelé à créer des « milices des troupes territoriales » : la totalité de la population adolescente et adulte valide, hommes et femmes, subira un entraînement militaire sous l’égide d’officiers. Un million de personnes doivent être sur le pied de guerre en cas d’agression. Le
Lider
veut « repopulariser » la force de défense. Elle est certes très professionnelle, sous l’impulsion de son tuteur, le général Raúl Castro, mais peu prête à la guerre de guérilla, seulesusceptible de l’emporter en cas d’attaque américaine. Fidel lance, le 29 décembre 1980, un appel à la mobilisation, pour attendre Reagan de pied ferme, le 20 janvier suivant, comme il l’avait fait, il y a vingt ans, pour Kennedy.
Toutefois, à la différence de 1961, Cuba n’est plus aussi isolée dans l’hémisphère occidental. Ses relations sont correctes avec une dizaine de pays, très bonnes avec le Mexique, sans négliger, bien sûr, leur excellence avec le Nicaragua, Panama, Grenade et le Guyana. L’influence de
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