Fidel Castro une vie
à renégocier une partie de sa dette envers l’Ouest. Fin 1981, Reagan décide alors de durcir l’embargo : à nouveau, les filiales à l’étranger des sociétés américaines ne pourront plus commercer avec l’île, et les citoyens américains reçoivent l’interdiction d’y aller. Pour Cuba, c’est une lourde perte de devises. Fin de la collaboration entre les flottes dans le golfe de Floride, inscription deCuba au nombre des « pays terroristes » : nulle avanie que Castro ne subisse. Parfois aussi on discute. Au printemps 1982, le général Vernon Walters, ex-numéro 2 de la CIA, fait des allers-retours à La Havane. Fidel lui fait une « impression favorable ». Il lui propose la coopération américaine à la condition qu’il sorte de l’orbite soviétique. Or, c’est impossible puisque ce serait défaire l’œuvre d’une vie. Mais, à Washington, on juge Fidel « déchiré » entre son « allégeance envers Moscou » et un « désir de rentrer » dans le sérail…
Dans cette conjoncture préoccupante, le
Lider
cherche de nouveaux amis. Une occasion lui est donnée au printemps 1982 par l’éclatement de la guerre des Malouines entre l’Argentine et la Grande-Bretagne. Le premier, il propose, le 4 mai, d’aider Buenos Aires « par tous les moyens ». Et lorsque les États-Unis se trouvent contraints de trancher en faveur de Londres leur « conflit d’alliances » (Otan contre Tiar, le Traité interaméricain d’assistance réciproque), Castro dénonce allègrement « l’hypocrisie du prétendu système interaméricain forgé par les impérialistes ». Cette attitude claire vaut à l’île une réintégration définitive dans la « famille » latino-américaine. La consécration de ce cours des choses sera, mi-1986, la reprise des relations avec le Brésil, géant du sous-continent, après vingt-deux ans. Hormis la dictature militaire du Chili et l’archaïque Paraguay, autant dire que toute l’Amérique latine a renoué avec l’île naguère pestiférée.
Une autre direction diplomatique que prend Fidel à partir du début des années 1980 est l’Europe occidentale des nouveaux gouvernements socialistes. Son ambition est d’être invité dans de tels pays du vieux continent pour montrer aux États-Unis l’échec de leur politique de « délégitimation ».
Castro n’a pas oublié la visite que lui avait faite dans son île, en 1974, celui qui n’était alors que le Premier secrétaire du Parti socialiste français. François Mitterrand n’avait-il pas parlé de lui comme d’un « homme modeste, désireux d’être compris, ouvert, généreux, à la recherche d’une éthique nouvelle » ? Hormis quelques solides sociaux-démocrates tels Willy Brandt ou Helmut Schmidt, le Cubain aura ainsi, on le note, charmé jusqu’aux grands d’Europe. Après la présidentielle du 10 mai 1981, le
Lider
enverra à Mitterrand de vives félicitations. L’élu socialiste lui fera part, en réponse, de son « meilleur souvenir » etde « l’attention particulière » qu’il a toujours eue pour Cuba. Et, de fait, la diplomatie, parallèle ou officielle, du gouvernement socialiste et communiste français s’agite, d’emblée, sur le front centraméricain et caraïbe. Tantôt elle pose une attitude nouvelle, telle la déclaration conjointe avec le Mexique du 28 août sur la « cobelligérance » des guérilleros salvadoriens contre la junte présidée par le démocrate-chrétien Napoleón Duarte, ce qui lui vaudra l’hostilité de la moitié du sous-continent ; tantôt elle s’active à parer à une attaque américaine, contre le Nicaragua ou la Grenade par exemple.
Castro est aux anges. Les visites dans l’île de Français se succèdent. Plusieurs insistent sur les perceptions communes : « Nos deux pays, déclare ainsi le responsable de la Culture, Jack Lang, croient en l’homme et refusent la dictature internationale d’une grande puissance, ainsi que la monoculture standardisée et industrialisée. » À une observation, en 1982 aussi, de Pierre Mauroy lors d’une visite officielle de Rodríguez à Paris, on perçoit une autre base, peut-être plus substantielle, d’une « entente » : « La France, dit le Premier ministre, respecte les choix de Cuba… Elle attend un analogue respect de positions qui sont le produit de l’environnement, de l’histoire et du sentiment. » L’allusion aux DOM antillais, où la poussée indépendantiste est nette, est transparente : il s’agit
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