Fidel Castro une vie
est dû en partie à la mécanisation. Mais ce bon chiffre ne suffit pas pour faire face à toutes ses obligations, Cuba devrait dépasser les huit millions de tonnes, chiffre approché une seule fois depuis 1970. L’île a la chance d’avoir pour principal client le seul pays industrialisé au monde, l’Union soviétique, dont les besoins en sucre augmentent. Mais souvent, pour remplir son contrat, La Havane doit racheter des tonnages sur le marché libre (Brésil, Saint-Domingue…) et les revendre à Moscou. LaRévolution, vingt-cinq ans après sa naissance, reste dépendante, à 80 %, de l’exportation d’une seule denrée.
Elle a, certes, deux succès « primaires » à son actif : la pêche, des langoustes surtout, dont les prises ont été multipliées par six, et les agrumes. Elle a retrouvé son autosuffisance d’avant 1959 pour quelques produits (le riz, le lait), mais pas sa production de viande, de céréales ou de légumes. L’élevage n’a jamais connu les percées prophétisées à la fin des années 1960 par les « amis de Cuba » ; la peste porcine de 1980-1981, succédant à celle de 1970-1971, a, il est vrai, perturbé les prévisions. Les accusations de Fidel, selon qui elle a été introduite par la CIA, ont eu peu d’écho. Le tabac et le café, productions traditionnelles encore réalisées, pour l’essentiel, par le dernier carré du privé, ont résisté. Mais, pour maints produits de la terre, l’île est encore le domaine du
habrá
: « il y aura »…
En dépit d’opinions inverses, le nickel est aussi un échec. L’île en a des réserves de rang mondial. Et la Révolution en a certes doublé l’extraction, passant à environ soixante-dix mille tonnes annuelles, mais la totalité du minerai est exportée pour être purifié en Union soviétique. L’industrialisation a également connu des avancées : utilisation des sous-produits du sucre (bagasse, méthanol), production d’outillages pour le secteur primaire (moissonneuses-batteuses, « combinés » pour la récolte de la canne, bateaux de pêche), et surtout développement de certaines technologies plus sophistiquées dans les domaines médical (les « biotechnologies ») ou vétérinaire. Mais ces progrès compensent mal les effondrements dus aux nationalisations de 1960. Si le nombre de produits à la vente a augmenté depuis les années 1970, c’est en raison d’importations, dont les autorités ouvrent ou ferment les vannes en fonction de décisions jamais expliquées aux citoyens. Les prix du secteur « libre » sont, en toute hypothèse, élevés.
S’agissant du tertiaire productif, les autorités ont commencé à tourner autour de la question d’un bond en avant du tourisme, présenté comme « nouvelle frontière » de l’économie. On conçoit ce que peut avoir de préoccupant l’arrivée de masses d’étrangers pour une Révolution qui a fait de l’enfermement un de ses axes ; l’impact de l’ouverture de 1979 aux exilés est encore dans les esprits. Par ailleurs, le traumatisme de l’époquebatistienne où Cuba était « le bordel de l’Amérique », demeure vivace. La crainte du sida n’est pas moins lancinante, compte tenu de la fixation de Castro sur les problèmes de santé. En dix ans de proclamations favorables au tourisme, on n’est parvenu à retrouver que les deux tiers des visiteurs d’avant : deux cent mille. Canadiens, comités d’entreprise européens de l’Ouest, Espagnols, Italiens, groupes des pays communistes, bourgeois latino-américains venus pour le grand frisson : tout ceci ne compense pas la perte des Américains.
Un élément occulte encore, en cette année 1985, la modestie des résultats de la Révolution : Cuba, tout en enregistrant un accroissement démographique de plus de 50 % depuis 1959, a « exporté » huit cent mille de ses citoyens – près de 10 % de sa population –, vers le Nord. C’est là une émigration plus importante que celle de tout autre pays de la région, Haïti excepté. Un minimum vital, c’est là l’honneur de la Révolution, est assuré à tous ceux qui sont restés. Il n’y a pas de mendiants ou de va-nu-pieds à Cuba, pas d’enfants dénutris ou de malades sans soins, ni de vieillards laissés sans ressources. Le chômage réel est contenu. Le revenu par foyer,
services gratuits inclus
, avoisine mille dollars par an. Grâce à l’aide soviétique, ce chiffre a été stable sur une longue période, ce qui a aidé à traverser
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