Fidel Castro une vie
conditions de la vie carcérale se sont améliorées, du fait de la baisse de la surpopulation des prisons. Le fameux « Combinat de l’Est », à une trentaine de kilomètres de La Havane, avec ses six mille cinq cents places, est même considéré comme une « réalisation du socialisme ». Mais refuser la « réhabilitation » reste un crime, qui allonge la durée de la peine. Toutefois des consignes ont été données afin que les
plantados
soient moins poursuivis par la vindicte imbécile des geôliers. La fourchette de huit cents à mille cinq cents prisonniers politiques (et syndicaux) ne comprend que les personnes incarcérées en milieu fermé, la plupart pour « incitation à l’opposition contre l’ordre social, la solidarité internationale ou l’État socialiste ». Mais un nombre dix fois supérieur connaît des restrictions de liberté en milieu semi-ouvert (des fermes à régime disciplinaire), soit pour objection de conscience, soit pour infraction à la « loi sur la paresse » (au pays de Paul Lafargue, gendre de Marx, et auteur du célèbre
Droit à la paresse !
), soit pour mauvaise volonté dans le travail. Les « droits communs » sont bien sûr en sus.
L’interdiction de sortir temporairement du pays demeure. Seules les personnes de plus de soixante ans peuvent aller embrasser leurs enfants émigrés. En revanche, la sortie définitive, les mains vides, est en principe autorisée pour quiconque a fait son service militaire, n’exerce pas un métier « stratégique » et ne redoute pas les vexations, ou pis, en attendant le visa.
La liberté de publier n’existe pas. C’est l’Uneac, la bureaucratique Union des écrivains et artistes cubains, qui décide. Castro dit à Mina : « Nous ne sommes pas intéressés à établir une censure mais à opérer une sélection. Car nous manquons de ressources pour le papier… Je te dis franchement, un livre contre-révolutionnaire on ne le publie pas… Il y a tellement de livres, littéraires ou politiques, inutiles. Un livre sérieux oui ; mais il serait absurde de publier un pamphlet. Ni pamphlet ni littérature ordurière. »
Depuis le début des années 1980 se note une augmentation de la liberté de ton des conversations chez les jeunes. Une plus grande aisance de mœurs, ayant pour temples les « bars obscurs » de La Havane, y est également perceptible ; elle bouscule le moralisme affiché de la Révolution – laquelle est pourtant tenancière de « maisons d’amours passagères » puisque les fameuses
posadas
sont, bien entendu, nationalisées. L’audition, à partir de 1985, précisément, de Radio Martí, moins partisane qu’il aurait été imaginable, a surtout contribué à diffuser le
hard-rock
américain. Les adolescents cubains se mettent, pour le meilleur et le pire, à l’heure d’une classe d’âge planétaire. Cette revendication de « liberté », cette « perte de respect », cette « hyper exigence » signalées par des adultes qui souvent s’en offusquent, se cogne à l’immobilisme ambiant, y compris celui des « bons révolutionnaires » devenus d’indéboulonnables apparatchiks.
Une catégorie, pourtant, a retrouvé un peu d’espace depuis 1980 : les chrétiens. Qu’ils soient des citoyens de seconde zone est reconnu par Castro lui-même devant
Frei
Betto : ils sont éloignés des responsabilités. En revanche, il y a davantage de respect pour les croyants. L’intérêt que Fidel porte au christianisme comme facteur de changement social en Amérique latine a contribué à cette évolution. La religion, explique Fidel à Betto, « n’est pas nécessairement l’opium du peuple ». Foin à présent des compétitions sportives organisées le dimanche à l’heure de la messe sur la place de la cathédrale ! La croyance religieuse comme facteur de réticence envers la Révolution est mieux tolérée, mais non le refus du port des armes, qui fait des Témoins de Jéhovah des parias de la société cubaine.
Une forme de participation existe : il y a des réunions partout et tout le temps. On peut y parler de tout, sauf des grandes orientations : pour ça, les « indications » viennent « d’en haut ». Le parti compte six cent mille militants dans les années 1980. L’adhésion aux organisations de masse est importante, sinon toujours volontaire : 85 % de la population majeure, en particulier, appartient aux CDR, ces « yeux » du régime. Les six à quatorze ans sont tous des pionniers. La FEU compte
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