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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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pays, des recettes d’exportation. Le
Lider
nedit pas à ses auditeurs : ne payez pas ! Il propose « un moratoire de dix à vingt ans, en capital et en intérêts ». Ainsi, aux approches de la soixantaine, le Cubain se pose désormais en conscience planétaire. Il ne réclame plus la mort violente du pécheur capitaliste. Il a découvert que la faillite du système honni provoquerait une crise d’une telle magnitude, avec tant de répercussions que tous, amis et ennemis, en seraient frappés. Il ne s’agit plus seulement à présent, comme il le disait en un rare trait d’humour, le 26 juillet 1982, de conserver « au moins un pays capitaliste pour fixer les prix et aussi pour lui demander une aide » ! Fidel fait à présent profession de vouloir sauver le capitalisme d’une « explosion sociale révolutionnaire » tout en continuant de soutenir, c’est bien naturel, qu’un jour « tous les pays du monde seront socialistes ». Le
Lider
est-il si éloigné de la position de maint banquier, persuadé que le monde développé ne recouvrera pas toutes ses créances, et désireux que les modalités de ce sinistre soient négociées, avec pour conséquence un étalement dans le temps des pertes au lieu d’une soudaine béance synonyme de faillites en chaîne et de krach ?
    Suivant sa pente, Castro ne fait que théoriser aux dimensions de l’univers un problème qui l’a assailli : pour ne rien dire de ses dettes envers l’Union soviétique et le bloc socialiste, l’île doit alors au moins huit milliards de dollars à dix principaux États capitalistes et cent cinquante banques. Le
Lider
a cru d’abord pouvoir renégocier avec chaque créancier, formule qui lui a été refusée. Il lui faut, dès lors, entrer dans la moulinette où sont passés tant de pays. En particulier, il doit accepter l’inacceptable : un droit de regard d’experts étrangers – et, pis, capitalistes – sur son économie. Le monde occidental en tirera une connaissance affinée d’un système jusque-là demeuré opaque du fait de modes de comptabilité (inspirés de l’Union soviétique) entraînant une confusion entre « produit social brut » et PNB.
    En 1983, un premier accord a été conclu, avec lesdits États et banques, lequel réaménage les deux tiers de la dette. Cela signifie que les Cubains vont devoir serrer encore leur ceinture. Heureusement, le plus dur a été fait dès 1981 : les prix denombreux produits inscrits sur la
libreta
, ce carnet de rationnement qui symbolise l’égalité devant la nécessité, ont été augmentés, plusieurs d’entre eux ont doublé. La suspension définitive, en 1985, du remboursement de la dette renégociée a été un coup de gong : ne proclamait-on pas jusque-là, à La Havane, que Cuba était « le moindre risque de l’Amérique latine » ? L’île entrait dans l’hiver économique.
    Quant à la dette envers l’Union soviétique, Carlos Rafael Rodríguez avait la satisfaction, fin 1984, d’annoncer (en priorité à l’auteur de ce livre) que sa renégociation était acquise. Pour quel montant ? « Chiffres stratégiques ! » En fait, les négociations avec États et banques d’Occident ont été l’occasion de l’évaluer, alors, à huit milliards de dollars – un total qui n’inclut pas les dons faits en trois décennies, d’un montant à peu près équivalent. Ni, à plus forte raison, l’aide militaire, simplement estimée par Fidel à « plusieurs milliards de pesos » – parfois chiffrée à une quinzaine de milliards de dollars. Aussi bien Fidel est-il convaincu que la dette de Cuba envers Moscou ne sera jamais repayée : « Cette dette est théorique, et pour cette raison ne nous préoccupe pas. » Il dit même, désinvolte : « Je ne me souviens pas de son montant ! » Et il ajoute, contre toute évidence : « Nous n’en avons jamais discuté avec l’URSS. »
    Un arrêt sur la situation de l’île à l’été 1985 est utile. La Révolution, en effet, a dépassé le quart de siècle – une génération –, et mettre tous les échecs sur le compte du passé n’est, dès lors, plus crédible. En outre, c’est juste avant la
perestroïka
gorbatchévienne, qui va bouleverser la donne. Des difficultés du pays, Fidel, à son ordinaire, est prompt à accuser sécheresses et inondations. L’île produit en moyenne, vers le milieu des années 1980, sept millions de tonnes de sucre, soit 20 % de plus que dans les années Grau, Prío et Batista. Ce succès

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