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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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de la Communauté européenne, qui cofinançait le projet.
    Or, au printemps 1983, Bishop conclut, de l’amoncellement de ses difficultés, qu’il devrait améliorer ses relations avec les États-Unis ; il se rendit donc à Washington. Est-ce pour cela que, le 16 octobre, le chef de la révolution fut mis en minorité au sein de son New Jewel et arrêté ? Délivré par une foule rameutée par ses partisans, « Maurice » se dirigea en triomphe vers le Fort Rupert, dominant Saint-Georges, dans l’espoir d’y ramener à l’obéissance les militaires du général Austin, nouvel « homme fort » du régime au nom de Bernard Coard, vice-Premier ministre chargé des Finances, marxiste de stricte orthodoxie et inspirateur du coup d’État. Or, Bishop et six de ses ministres sont arrêtés et fusillés sur-le-champ.
    Fidel aussitôt prophétise : « Les erreurs commises par les révolutionnaires mettent en danger la survie même du processus entamé le 13 mars 1979 à la Grenade. » Le vieux routier cubain, expert en analyses éclair de situations limites, n’est pas seul à avoir vu la béance. Des navires américains appareillent aussitôt. La diplomatie de Washington active l’Organisation des États de la Caraïbe orientale, créée précisément pour contrer la vague radicale dans les Antilles anglophones. Six micro-États mobilisent quelques dizaines de soldats ; les États-Unis en fournissent plusieurs milliers.
    Il y a dans Grenade un peu moins de huit cents Cubains. La plupart sont occupés à la construction de l’aéroport. À l’aubedu 25 octobre 1983, les
marines
et paras de l’opération
Urgent Fury
se lancent à l’assaut de Pointe Saline, QG des concitoyens de Castro à Grenade. Ils sont accueillis par les tirs des « travailleurs-combattants » : des ouvriers qui sont aussi miliciens, comme tout Cubain adulte. Le combat est bref. Les Cubains auront vingt-quatre morts, les Américains dix-huit et les Grenadiens quarante-cinq. Le chef des Cubains, le colonel Tortolo, « sorti des décombres de son poste de commandement avec une poignée de compagnons », est « passé à travers les lignes yankees » pour se réfugier dans l’ambassade d’un « pays ami », l’Union soviétique. C’est au moins ce que dit le communiqué de La Havane. Car ledit Tortolo et ses officiers, on le saura plus tard, ont en fait décampé.
    Castro avait annoncé, le 26 octobre : « Les travailleurs cubains ne se rendront pas. » Laissés sans chef, ayant payé leur tribut de sang, six cent soixante-dix-huit se rendront. Ils seront rapatriés par la Croix-Rouge, le 9 novembre, après les cinquante-sept blessés, quatre jours avant les défunts. Fidel accueille les uns et les autres en des cérémonies impressionnantes, comme le régime sait les ordonner. Lorsque arrivent les héros morts, le
Lider
passe entre les cercueils rangés sur le tarmac et s’attarde à méditer, les épaules voûtées. Un deuil national de trois jours est décrété. Le
Lider
, dans son discours funèbre, accuse le gouvernement des États-Unis d’avoir menti dix-neuf fois dans cette affaire – et Reagan à lui seul treize fois. Mais le ton est défensif. Pour le pays, c’est la stupeur. Jamais la Révolution n’a connu de défaite, ou alors ses revers ont été tus. Ce qui s’est passé à Grenade est surtout humiliant en raison de la conduite des officiers, qui sera d’ailleurs cachée au peuple (car qu’y aurait-il eu de déshonorant, aurait-il pu penser, à être débordé par un nombre dix fois supérieur de professionnels impeccablement armés ?).
    Mais Castro a instillé aux Cubains sa conviction que le pays est invincible. Or, cette fois, le choc a eu lieu – circonscrit, à vrai dire, par un exécutif américain déjà exultant d’avoir soustrait trois cent quarante-quatre kilomètres carrés de terres au communisme, et se sentant vengé d’humiliations innombrables pour avoir « cassé » quelques Cubains. Et le choc a tourné au détriment de la Révolution. Le
Lider
avait, par son ordre derésistance jusqu’à la mort, voulu administrer une démonstration à échelle réduite de ce que serait la résistance en cas d’invasion de Cuba. Or, la démonstration est ratée.
    De surcroît, Moscou n’a pas pipé. Ou, plus précisément, Castro a toute raison de soupçonner que tout est arrivé par un monstrueux calcul du Kremlin. Désireux d’empêcher Bishop de renouer commerce avec Washington, ils auraient lancé Coard, leur

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