Fidel Castro une vie
suivant, Fidel annonce qu’il ne tolérera pas plus qu’avant une opposition, et qu’il n’y aura jamais de
perestroïka
à Cuba ! Les mots d’ordre sont : en économie, survivre ; en politique, tenir – face à des États-Unis saisis d’une « euphorie triomphaliste » que l’invasion du Panama vient de démontrer.
Dès avant la chute du Mur, le régime s’était raidi : arrestations de dissidents fin 1988 et affaire Ochoa l’été 1989. Au début des années 1990 se multiplient les
actos
de
repudio
, manifestations « de répudiation » des dissidents, menées par des « citoyens en colère » – en réalité organisées par la Sécurité via les CDR. Il s’agit de
sit-in
de quelques heures à quelques jours devant le domicile d’un opposant, sonorisés à l’aide de haut-parleurs, qui peuvent aller jusqu’au sac de l’appartement et au passage à tabac de l’intéressé. C’est là une invention incontestable de la Révolution cubaine, au même titre d’ailleurs que les Brigades de répression rapide, nées en 1991 : constituées de « citoyens de base », elles sont habilitées à contrer des manifestants, ce qui, le cas échéant, évite de donner aux étrangers le spectacle d’une police socialiste chargeant les citoyens.
Le climat est donc épouvantable dans ces premières années 1990. Mais la grogne engendrée par le renforcement des privations (ainsi, peut-être, que l’installation dans l’éther cubain de Radio Martí, lancée en 1985) suscite une nouveauté : ce n’est plus seulement entre soi que l’on critique la dureté des temps, on ose s’adresser aux étrangers. Les journalistes, toujours soumis à l’épreuve de l’attente du visa mais qui, souvent, finissent par entrer, notent que l’homme de la rue leur livre désormais ses commentaires sans excessive retenue, comme si la police était dépassée par l’ampleur de la tâche. De même tombent les inhibitions liées à la crainte de la répression des trafics, puisque filouter est devenu une question de survie. La Sécurité ne procède plus qu’à des opérations coup de poing contre les
bisneros
(personnes se livrant à tout
business
),
coleros
(professionnels de la file d’attente) et
jineteras
(jeunes femmes qui se prostituent, mais il y a aussi des garçons). Des quartiers proches du port organisent une sorte de police de type semi-mafieux… Bref, l’effondrement économique tendà provoquer un abaissement, très nouveau, de la capacité de contrôle social du régime.
Bien peu, pourtant, transparaît de ces tensions qu’on puisse qualifier de « politique » : un tableau noir à l’université de La Havane dénonçant le culte de la personnalité ; de rares graffitis « À bas Fidel » sur des murs ; une poignée de tracts jetés par une fenêtre d’un immeuble. Les dissidents ne sont qu’un millier, divisés en une cinquantaine de groupes, déclare, fin 1991, Carlos Aldana, un militant communiste qui a fait une ascension fulgurante à la fin des années 1980, devenant l’idéologue autant dire officiel du PCC et le responsable des relations internationales au Comité central.
Sur le plan international, l’année « la plus dure en trente-deux ans de Révolution », selon Fidel, aura été 1991. Le 1 er janvier, le système d’assistance soviétique cesse d’exister : La Havane devra dorénavant payer son pétrole et ses autres achats en devises. Le 28 juin est dissous le Comecon, instance de coordination économique du camp socialiste. Le 21 août sont balayés à Moscou, après une embardée de soixante heures, les derniers amis de La Havane : une rumeur veut que ce quarteron de généraux qui a tenté de renverser « Gorby » pour réinstaurer un pouvoir communiste pur et dur ait passé, peu auparavant, des vacances dans l’île. Le 9 septembre, le secrétaire d’État américain James Baker arrache à son homologue Chevardnadze le principe d’un retrait de la brigade soviétique installée depuis 1962 dans l’île, laissant ainsi Cuba seule face à une éventuelle intervention des États-Unis. Et, le 25 décembre, Gorbatchev, père de la
perestroïka
, annonce sa démission de la présidence de l’Union soviétique. Cela n’est pas un drame personnel pour Fidel, mais sanctionne la fin de l’Union soviétique – cet ami, cet allié, ce rempart, ce bailleur de la Révolution castriste.
Sur le plan politique, un IV e Congrès du PCC avait été annoncé dès 1990, mais les assemblées
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