Fidel Castro une vie
Pourtant, le 21 avril 2006, Fidel lui-même a appelé ses compatriotes à la patience face aux coupures decourant qui se multiplient depuis le printemps précédent, à la suite du collapsus de la plus importante centrale du pays, celle de Matanzas. Un incident qui a obligé à fermer rien de moins que cent dix-huit entreprises et quarante hôtels, et en expiation de quoi le ministre des Industries de base, Marcos Portal, pourtant neveu par alliance du
Lider
, en poste depuis vingt-deux ans, a été démis…
Or, malgré cet événement gravissime et deux ouragans, les autorités vont annoncer, pour l’année 2005, une croissance de 11,5 %, « la meilleure depuis 1959 ». Comment concilier cela avec cette « économie naufragée », cette « île délabrée » que décrivent les envoyés spéciaux ? Serait-ce qu’on a voulu offrir un beau cadeau, un
happy birthday
comandante
, à Fidel comme il file grand large vers ses quatre-vingts ans ? Oui et non ! Simplement a-t-il été décidé qu’on modifierait le calcul du PIB en comptant les services sociaux (santé, éducation, culture, sport…) comme valeur ajoutée. Il suffisait donc de s’entendre sur les concepts.
Pour le reste, la trame macro-économique cubaine est très lisible dans ces premières années 2000 : le nickel (dont les cours s’envolent) a remplacé le sucre, en totale déconfiture comme premier produit d’exportation ; les
remesas
(fonds envoyés par les émigrés à leur famille) connaissent un tassement à partir de 2004, descendant sous le milliard d’euros annuel lorsque les États-Unis républicains, sous George W. Bush, décident de limiter cette possibilité – mais restent tout de même très proches du milliard de dollars annuel ; après un collapsus post-11 septembre 2001, le tourisme reprend : le pays passe les deux millions de visiteurs par an – dont un tiers de Canadiens – pour une rentrée en devises tendant aux 2 milliards d’euros (pas très loin de la moitié du total des recettes insulaires), et de 15 à 20 % du PIB. L’entreprise canadienne Sherritt est l’investisseur numéro 1 de Cuba, et le Canada s’établit comme son solide troisième partenaire commercial. En première position il y a bien sûr le Venezuela, du fait de l’accord pétrolier de 1999, qui assure environ la moitié de la consommation du pays pour le prix des salaires (très bas) de vingt mille médecins environ et autres personnels cubains « exportés » au pays de Bolivar. Une quantité en croissance de l’or noir indispensable se fait pourtantnationale, en raison du relatif succès de certaines prospections
off shore
, surtout celles de l’espagnol Repsol. Le deuxième partenaire (en réalité le premier pour la diversité des échanges) est la Chine : Cuba lui vend son nickel et des médicaments (ces « biotechnologies » qui auront été la vraie réussite économique du castrisme) et achète, lot après lot, année après année, ce que les autorités jugent utile pour améliorer la vie quotidienne des gens – des bus aux appareils ménagers et à l’électronique. Téléviseurs Panda et conserves Jan Lui sont ainsi le dernier cri à La Havane – pour ne rien dire des caméras de surveillance chinoises qui se multiplient aux carrefours. Mais la surprise vient de ce que les États-Unis, toujours accrochés vent debout à l’embargo, sont devenus, en 2005, au plus fort des tensions verbales, le cinquième partenaire de Cuba, grâce aux exportations croissantes (au moins un demi-milliard de dollars) de produits alimentaires ! L’Union européenne, en revanche, et plus que d’autres la France, est en plein recul depuis le refroidissement consécutif aux sanctions décidées en raison des arrestations de 2003.
Cependant, pour faire face aux coulages dans des entreprises publiques, surtout les stations-service où la moitié de l’essence est vendue au noir, Fidel a ordonné que de jeunes « travailleurs sociaux » en prennent le contrôle. Renouant avec un de ses thèmes, il proclame la Révolution « en danger » en raison de la « corruption généralisée », des vols trop répandus, de « l’enrichissement illicite » de quelques-uns et de « l’aisance » de certains cadres – tous « vices » contre lesquels une « vaste offensive » est annoncée. Et, de fait, des centaines de centres de production seront, début 2006, investis par des permanents du PCC et des militaires, et il sera procédé à des limogeages. Le plus
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