Fidel Castro une vie
notoire sera celui du
Santiaguino
Juan Carlos Robinson, membre du Politburo qui, en avril, prendra douze ans de prison pour corruption – il sera le premier cadre de ce niveau ainsi durement sanctionné.
Lors de sa dernière année complète au pouvoir, Fidel aura dédié l’essentiel de son énergie à redonner du corps à l’un de ses rêves de jeunesse : aider à fortifier l’Amérique latine afin que les États-Unis cessent de s’y sentir chez eux. Comme il y a mis plus de modestie personnelle que jadis, tel ou tel de ses pairsa pu travailler avec lui sans se trouver humilié. Son partenaire clé dans cette aventure aura été Hugo Chávez, qu’il met paternellement en vedette tout en lui glissant quelques idées. Leur commune obsession aura été de contrecarrer l’Alca (Aire de libre commerce pour les Amériques), par laquelle les États-Unis voudraient s’assurer une zone de libre-échange « de l’Arctique à l’Antarctique ». De fait, Bush verra son projet recalé fin 2005.
Et Chávez et Castro avaient un projet alternatif, un traité commercial des peuples (le modèle en est celui du pétrole vénézuelien contre des médecins cubains), aussi dit Alternative bolivarienne pour les Amériques (ou Alba, « aube »). Signé par les deux compères au printemps 2005 à La Havane, le traité sera vite rejoint par le président
latino
le plus en pointe du moment : le Bolivien Evo Moráles, premier « indigène » (indien) devenu chef d’État en Amérique depuis Cortés et Pizarro. Plus tard se joindra à eux le Nicaraguayen Daniel Ortega. L’Équatorien Rafael Correa dira également oui puis, tout bien pesé, ne donnera pas suite. Trois autres pays, de petites îles caraïbes, adhéreront.
Également fondé sur l’aspiration « chaviste » à laisser une grande trace dans l’histoire de l’Amérique est conclu, fin juin 2005 à Puerto La Cruz (Venezuela), un accord, dit Petrocaribe, entre Caracas et onze pays caraïbes, dont Cuba et la République dominicaine, ainsi qu’avec quatre États centraméricains ou sud-américains : Nicaragua, Suriname, Guyana et Belize. À ces partenaires Chávez offre son brut à des conditions préférentielles. Voulant marquer que sa patte est derrière tout ça, Fidel va se rendre, début décembre 2005, dans cette région, la seule où il soit sans conteste « chez lui », pour un sommet du Caricom, le marché commun de la Caraïbe, qui a lieu à la Barbade. Pâle démarque de la tournée « réparatrice » qu’il avait faite dans la zone en août 1998, débarquant alors à la Jamaïque (où son ami Manley avait été chassé du pouvoir en 1980 par son ennemi personnel Seaga), puis, déjà, à la Barbade (inauguration d’un monument aux victimes de l’attentat aérien de 1976) et enfin à Grenade (pour effacer l’humiliation de 1983 face aux troupes de Reagan), accompagné de six cents personnes (sans oublier la chienne renifleuse d’explosifs Jenny), sécurité oblige.
Le 6 janvier 2006, Castro commence l’année où il doit fêter ses quatre-vingts ans par une de ces taquineries envers l’Amérique dont il est prodigue depuis un demi-siècle. Comme l’édifice du Bureau des intérêts américains, sur le Malecón, s’est doté d’une enseigne lumineuse où défilent informations et parfois propagande, le
Lider
va inaugurer, en face, une « forêt » de cent trente-huit pylônes (autant que d’années depuis le début de la lutte des Cubains pour se libérer du joug espagnol), portant chacun un immense drapeau noir symbolisant les « 3 478 Cubains victimes du terrorisme parrainé par les États-Unis ». Il est vrai que George Bush ne le ménage pas non plus, clamant que la transition post-castriste est en route, ce pour quoi un « coordinateur » a même été nommé, et bien sûr des fonds votés, aisément, par la Chambre à dominante républicaine.
Cependant, comme avance le premier semestre de 2006, de sérieux indices suggèrent que l’état de santé du
Lider
devient une préoccupation majeure au sein de l’appareil. Ainsi, un supplément de huit pages sera-t-il, à la fin du printemps, publié dans
Granma
pour les soixante-quinze ans du « jeune » Castro sous le titre stupéfiant : « Bientôt Raúl ». Si une telle initiative avait lieu sans l’assentiment de Fidel, c’était un coup d’État ! Car, jusque-là, le cadet n’avait droit, de son aîné, qu’à de rares éloges, très généraux, du genre : « Il fera un bon successeur.
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