Fidel Castro une vie
avait donc un vivant au pouvoir ! Certains, toutefois, osaient se dire soulagés du silence retombé sur une île que ne gratifiaient plus les trop fréquents et interminables discours du
jefe…
Ce fut une étrange période où, à la façon de l’inquiétant Baron Samedi du vaudou caraïbe, Fidel était à la fois vivant et mort, et donc virtuellement un « revenant ». Chávez, qui l’aura souvent visité (profitant d’ailleurs de ses séjours pour faire soigner un – puis un autre ? – cancer), a entretenu ce côté Hamlet en déclarant une fois, pour conjurer les sorts peut-être : « La nuit, il parcourt la campagne. » Ricardo Alarcón, président de l’Assemblée nationale, a assuré, lui, que le commandant en chef allait « reparaître » le 2 décembre. Jour des Forces armées, cette date fut décrétée, pour 2006, « anniversaire » du
Lider
– alors que celui-ci tombe le 13 août et qu’il n’avait jamais été célébré jusque-là. Mais que l’on fêta (après tout, c’était un dimanche) par… une « journée de travail volontaire ».
Cuba vécut ainsi le second semestre de 2006 au rythme de photos montrées à la télévision (et aisément datables, pour clouer le bec aux « saint Thomas ») d’un Fidel en permanencevêtu d’un survêtement Adidas aux couleurs blanc, bleu et rouge des athlètes cubains. Puis on l’a pris en photo avec un leader étranger de passage (après Hugo Chávez, Daniel Ortega, Evo Moráles…). Un clip télé montra
el jefe
en train de faire un peu de gym près de son lit à roulettes…
Bien sûr, Fidel ne put accueillir, à la mi-septembre, le XIV e Sommet des non-alignés qui aurait fait de lui le seul chef d’État à avoir présidé deux fois cette instance – après la gloire qu’avait été la
Sexta Cumbre
en 1979. Et le peu charismatique Raúl sera ainsi propulsé, pour trois ans, président des trois cinquièmes de l’humanité ! Quant au suspense politique, il ne sera pas levé par la réunion de l’ANPP en décembre : celle-ci, en effet, ne confirma ni n’infirma le caractère provisoire des choses ! Cependant, juste après Noël, on fit venir à La Havane, sans excessive discrétion, un chirurgien espagnol, spécialiste des maladies digestives. On crut bien Fidel au bout du rouleau…
Il n’en fut rien, mais c’est peu dire que Raúl n’a pas eu les coudées franches en 2006. Et que, dès lors, il a peu fait. Il battit pourtant le fer international, obtenant du Venezuela une relance de la raffinerie de Cienfuegos, édifiée dans les années 1960 par l’Union soviétique, ainsi qu’une reprise, de zéro ou presque, du réseau électrique insulaire : la relation privilégiée Fidel-Hugo ne serait pas interrompue. Par ailleurs, Cuba reçut un crédit de 270 millions de dollars de la Russie, avec laquelle on trouva un arrangement sur la dette des années Fidel lors d’une visite du Premier ministre Fradkov. Enfin, puisqu’on prêtait à Raúl, dit «
el Chino
» (le Chinois), l’intention d’importer à Cuba le « modèle » homonyme, on « blinda » les échanges avec Pékin.
La seule audace du
general
, comme on le désignait désormais, fut l’annonce que Cuba ne s’interdirait pas de replanter des cannaies en vue de produire de l’éthanol – hypothèse anathème pour Fidel qui jugeait que cette pratique, si elle devait s’étendre, ferait mourir de faim « trois milliards d’humains ». Pour le reste, face au constat qu’« inefficacité et désordre caractérisent plus de la moitié des entreprises publiques », Raúl appela, classiquement, à renforcer la lutte contre les « vices tels que le vol dans les entreprises et la corruption ». Et il reçut ce qu’on prit d’abord pour une gifle, mais qui allait se révéler unappui : des critiques, mais au cordeau, de sa fille Mariela, directrice d’un Centre d’orientation sexuelle s’attachant à donner droit de cité aux homosexuels, lesbiennes, bisexuels et transsexuels. Celle-ci, prenant ainsi, habileté ou cynisme, position aux franges de l’arène, observa, début 2007, que des « malaises profonds ne sont pas pris en compte par notre société ni par ceux qui la dirigent ».
Fin mars 2007 s’ouvrit pourtant une saison nouvelle où Fidel, qui avait clairement repris du poil de la bête, se mit à livrer, plusieurs fois par semaine, des « réflexions » qui, venant de celui qui les signait encore (comme si de rien n’était) « le commandant en chef »,
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