Fidel Castro une vie
seront modulables, jure-t-on, au fil du temps, expérience aidant.
La Centrale des travailleurs (CTC) n’a pas seulement approuvé ces mesures : c’est à elle que, le 13 septembre 2010, a été confiée la tâche d’annoncer et d’organiser, en le modulant, l’« allégement massif » de l’emploi public. Le syndicat du régime confirmait ainsi son rôle de DRH. À lui de se faire taper sur lesdoigts si le rythme des licenciements est trop lent ! Plus sérieusement, la place qui lui est assignée dans le dispositif montre que le régime veillera à ce que des soulèvements populaires ne se produisent pas en conséquence de la violence desdites mesures.
« Ou nous rectifions ou nous nous effondrons », a prophétisé Raúl en décembre 2010. L’année suivante confirmera donc le
trend
libéralisant (« sans permettre le retour du capitalisme… »), lorsque le VI e Congrès du PCC approuvera plus de trois cents mesures dites « Grandes lignes de la politique économique et sociale ». Ce catalogue connaîtra assez vite un début de mise en œuvre : les résidences particulières pourront être louées en dollars ; les biens immobiliers seront autorisés à être vendus de particulier à particulier, de même que les voitures ; la durée de concession de la propriété publique nécessaire à certaines activités (marinas, golfs,
resorts
, villas…) passera de cinquante à quatre-vingt-dix-neuf ans ; et le principe du crédit bancaire sera élargi (ce qui suppose, bien entendu, que les établissements cubains disposent un jour de liquidités… ou que des succursales d’établissements étrangers puissent ouvrir leurs portes sur le sol insulaire).
Certaines de ces mesures, à vrai dire, pourraient intéresser au premier chef des non-Cubains (y compris les
gusanos
exilés aux États-Unis, mais pas les Nord-Américains…), ainsi appelés à investir dans l’île avec de moindres restrictions, voire de plus amples facilités, que dans les années 1990. Les citoyens « de l’intérieur », eux, resteront bridés par la faiblesse de leur pouvoir d’achat. Mais il ne semble pas qu’il leur serait interdit, pour certaines opérations, de se mettre en cheville avec des parents émigrés. Que, pourtant, les étrangers ne s’imaginent pas pouvoir agir à leur guise : une centaine de ces hommes qui « font du bizness à Cuba », dont des Français, ont été expulsés.
Fin 2012, un premier bilan de ces réformes peut être esquissé. Tout, d’abord, va très lentement – au rythme de la gérontocratie révolutionnaire cubaine. Il est vrai que l’enjeu politique est considérable : la survie même du castrisme. Qu’un État, se réclamant de surcroît du socialisme, licencie, en un lustre, près du tiers de ses employés est sans doute sans précédent dansl’Histoire et oblige le régime à des prudences. Mais, en l’état, une aporie se révèle : comment espérer sérieusement que près d’un million et demi de personnes se reconvertiront, en cinq ans, dans un système d’employabilité réduit à de « petits métiers » et quelques activités artisanales ?
Les premiers bilans montrent que les principales « mises en compte propre » sont en lien avec le tourisme, seul apporteur de devises à la mesure d’acteurs économiques modestes et inexpérimentés : il s’agit de la création, dans les logements et annexes (garages…) de particuliers, de
casas particulares
(maisons d’hôte) et plus encore de
paladares
(restaurants – dont certains ont déjà acquis à La Havane une notoriété auprès des Cubains eux-mêmes). Un quart de ceux qui se sont lancés aurait toutefois déjà renoncé : d’une part, parce que tous les métiers ne s’improvisent pas et qu’un minimum de capacité de gestion est requis ; et aussi du fait que la taxe mensuelle à verser au fisc – par ailleurs très bureaucratique et inquisitorial – suppose un « lissage » des revenus, mal en accord avec le caractère saisonnier du tourisme – pour s’en tenir à ce seul secteur, spécialement prisé de la néomicroentreprise.
Plus d’un de ces économistes officiels mais critiques, que le régime autorise à travailler au sein d’un organisme nommé CEEC (Centre d’étude de l’économie cubaine), s’effarent de cette « absurde » liste de cent soixante-dix-huit emplois « à la Prévert », se lamentant que les professions de médecin, ingénieur, informaticien, consultant, architecte, n’y figurent pas. Car
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