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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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désespérées, défilent en silence, vêtues de blanc et un glaïeul à la main, dans la 5 e Avenue de la capitale. La fondatrice du mouvement, Laura Pollán, est décédée trois semaines après avoir été la cible, le 24 septembre 2011, d’un
acto de repudio
où une pasionaria du régime l’avait molestée.
    Raúl a accepté, dès mai 2010, de discuter chaque cas avec l’Église. Celle-ci se retrouve ainsi dans une étrange position. Le cardinal et archevêque de La Havane, M gr Jaime Ortega, aujourd’hui âgé de soixante-quinze ans, est ainsi devenu, par la force des choses et par la volonté de l’Église catholique dont il est le numéro un à Cuba, le principal interlocuteur politique du régime. On l’a vu présider, le 24 juillet 2012, l’office funèbre du plus effectif des opposants, le démocrate-chrétien Oswaldo Paya, qui avait défié Fidel dix ans plus tôt avec son « projet Varela ». M. Paya avait, le 22 juillet, péri dans un étrange accident d’auto à Bayamo, dans l’est de Cuba. Le dissident voyageait en compagnie de deux jeunes politiciens européens, un Espagnol, Ángel Carromero, qui conduisait l’auto, et a « pris » quatre ans de prison pour « homicide », et un Suédois, Aron Modig. La fille du défunt, et d’autres opposants, ont accusé le régime d’avoir provoqué l’accident – lequel aurait été « répété » un mois plus tôt à La Havane.
    Quoi qu’il en soit, et hors même la répression politique, les problèmes de droits humains restent énormes : certaines infractions ne sont plus compatibles avec une société en évolution (
ley de vago
, loi sur l’oisiveté : le concept de
peligrosidad
, ou « dangerosité ») ; les ruraux ont encore interdiction officielle de s’installer en ville (ce qui crée des sans-papiers dans leur propre pays…) ; la durée des peines, pour être moins extravagante que par le passé, reste très élevée ; il n’existe aucuneséparation des pouvoirs (les avocats, au même titre que les juges, sont des fonctionnaires), ni rien qui approche d’un
habeas corpus
; enfin et surtout, aucune amnistie n’a eu lieu en un demi-siècle. De ces carences atteste le récent chiffre connu des « droit commun » : cinquante-sept mille, soit une population carcérale sept fois plus importante (toutes choses égales par ailleurs) que sous le tyran Batista et identique à celle de la France, pour une population six fois moindre.
    La ligne d’horizon cubaine sous Raúl Castro ? Une social-démocratie sans démocratie avec sans doute, à terme, un très ténu libéralisme économique piloté par un parti unique à la mode de Chine, mais avec ce bémol que les Cubains n’ont guère été préparés aux rudesses d’une « production asiatique ». L’une des mesures de réforme annoncées est d’ailleurs l’introduction d’éléments de rémunération « au mérite ». Mais une question rôde dans nombre d’esprits : un « printemps de La Havane » serait-il susceptible de répondre à l’inévitable progression des inégalités dans une société devenue, dollars américano-cubains aidant, bien plus concurrentielle, et où les licenciements massifs généreront bien des laissés-pour-compte ?
    Autrement dit, quelles sont les chances que Raúl réussisse son pari ? Mauvais point : il n’a pas la popularité dont a pu jouir Fidel, bien que, par certains traits – il aime danser, est franc buveur, ne manque pas de bagout au moins en privé, a le sens de la famille (il a été un mari décent et a déjà, assure le « cubanologue » Jacobo Machover, prévu le lieu de son dernier repos auprès de sa défunte épouse, Vilma Espín, dans la Sierra de Cristal, en Oriente) –, il soit plus « cubain » que Fidel. En outre, les jeunes, plus que d’autres, tendent à voir en celui qui fut, un demi-siècle, ministre des Armées et superviseur du Minint (ministère de l’Intérieur), le « super-flic », responsable, donc, des contraintes, voire des brimades, qui les étouffent.
    Il est vrai que le chef vivement dogmatique des débuts de la Révolution a pragmatiquement composé, les années passant, avec le réel. Ayant fait ses classes idéologiques dans le communisme « moscoutaire » et ayant su bâtir, avec ses protecteurs soviétiques, les brillantes forces armées des années 1970-1980, il s’est tenu assez à l’écart des vapeurs gauchistes qui, du Guevara fidéliste au Fidel guévariste, ont maintes fois enfumé l’île.Témoin

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