Fidel Castro une vie
rejoindre la Toile). Il existe cependant une sorte d’Intranet insulaire, contrôlé mais avec des souplesses, à quoi a droit une « privilégiature » forte de 1,75 million de citoyens « de confiance », membres du PCC et autres organisations de masse – soit environ 15 % de la population.
Hors de ce cadre, le régime tolère aujourd’hui le blog Generación Y et les tweets de la désormais mondialement célèbre Yoani Sánchez, dont les
vignetas
(billets) ouvrent, depuis 2007, des lucarnes sur la vie quotidienne à La Havane et les réalités souvent sordides d’une répression « à petit feu ». Par clé USB ou via CD-Rom, les propos numériques de Yoani Sánchez, et ceux d’autres dissidents, circulent sous le manteau. Tel expatrié, pourvu quant à lui d’Internet, assure parfois, à grands risques, leur connexion à l’international.
Très attentif à ce phénomène, le régime suscite des cyber-activistes, qui ne laissent passer aucune information défavorable sans y répondre. Le principal est Iroel Sánchez, un ingénieur qui présida l’Institut du Livre avant d’entrer au Bureau pour l’informatisation de la société cubaine, créé par le « commandant de la Révolution » Ramiro Valdés, ministre des Communications. Le plus virulent est un certain Yohandry Fontana (sans doute un pseudo : on en ignore tout) qui manie l’insulte et lamenace envers les opposants, livrant au passage des « tuyaux » refilés par la police politique. À noter que le site officiel d’information du régime, CubaDebate, où s’inscrivent en particulier les « réflexions » du camarade Fidel, a choisi comme sous-titre : « Contre le terrorisme médiatique ».
S’agissant des opposants clairement politiques, le « raúlisme » a fait choix d’une norme plus subtile. Il n’est pas question pour lui de baisser la garde face aux tenants du multipartisme. Mais la répression de haute intensité est moins à l’ordre du jour. Le
general
, qui connaît son île par cœur et sans doute chaque opposant par son nom, joue d’un clavier subtil, aux signaux contrastés. Des peines de longue durée sont moins souvent infligées, mais on assiste depuis 2010 à une multiplication (de trois cents à cinq cents par mois) des interpellations et rétentions d’un, deux ou trois jours, assorties d’interrogatoires bien sûr, et d’intimidations et de menaces.
Cependant une nouvelle dramatique était diffusée au début de 2010 : un prisonnier qui avait pris le risque de la grève de la faim pour protester contre les conditions de sa détention, Orlando Zapata, est décédé après quatre-vingt-cinq jours de jeûne, le 23 février – trente et un ans après le dirigeant étudiant Pedro Luis Boitel. Ce maçon, tenu pour un « droit commun » par les autorités, avait été condamné en avril 2003 à trois ans de prison pour avoir participé à une manifestation en faveur de prisonniers. Puis, pour « outrage et désordre public », il s’était retrouvé à purger une peine cumulée de trente-huit ans… Au moins les décès de détenus cubains sont-ils désormais systématiquement publiés à l’étranger et immédiatement connus dans les cercles de la dissidence intérieure, générant des protestations. Ainsi en est-il allé pour Wilman Villar Mendoza, mort après une grève de la faim le 19 janvier 2011 ; et aussi pour Juan Soto García, sans doute tabassé à mort par des policiers de Santa Clara le 8 mai 2011.
D’importantes libérations sont intervenues en mars 2011 : celles de la totalité des soixante-quinze détenus de 2003, dont les cas étaient emblématiques. Bon nombre de ces prisonniers politiques ont été expulsés vers l’Espagne qui, en jouant ce jeu, contribue à maintenir sa première position économique européenne dans l’île. Mais l’arrestation préventive, en mars 2012,de dizaines d’opposants « à risque », à la veille de l’arrivée de Benoît XVI dans l’île, était un nouveau signal négatif.
Le régime ne renonce pas, par ailleurs, à pratiquer contre ses « ennemis » les
actos de repudio
, manifestations prétendues spontanées, en fait parfaitement organisées, de citoyens indignés par les actions de « mercenaires des États-Unis ». Parmi les plus notoires victimes de tels
actos
figurent souvent les « Dames en blanc », parentes de prisonniers qui, depuis 2003, à la sortie de la messe célébrée le dimanche matin à l’église Sainte Rita, patronne des causes
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